Hugo Chavez «lutte pour sa vie», a affirmé jeudi le dauphin de l'homme fort du Venezuela, le vice-président Nicolas Maduro. Or, les habitants du Venezuela, eux, commencent à se faire à l'idée d'un pays sans Chavez. S'ils sont divisés au sujet de la succession de leur leader, ils s'entendent pour dire que les défis du prochain président seront substantiels.

Dans le quartier Chacao, en plein centre de l'avenue Arturo Michelena, la chaîne en métal qui relie une quarantaine d'étudiants s'allonge de jour en jour, au fur et à mesure que s'ajoutent des manifestants.

Les partisans de l'opposition, qui ont pour la plupart appuyé le candidat défait Henrique Capriles lors des dernières élections présidentielles, réclament depuis mercredi qu'on mette fin au mystère entourant leur président.

«Nous vivons un gros mensonge en ce moment et nous allons rester ici jusqu'à ce qu'on nous dise la vérité», lance Vanessa Eisie.

Selon le vice-président Nicolas Maduro, Hugo Chavez est toujours intubé et traité pour une grave insuffisance respiratoire dans un l'hôpital militaire de Caracas, où il lutterait pour sa vie.

«Qui nous gouverne présentement? Si c'est Hugo Chavez comme ils le disent, qu'on nous le montre pour évaluer sa capacité! S'il n'est pas capable de gouverner, qu'on déclenche des élections comme le stipule la Constitution», ajoute-t-elle.

»Je suis Chavez»

Chez les partisans d'Hugo Chavez, réunis le même jour dans le quartier El Silencio (Le silence) à l'occasion du 24e anniversaire du début de la révolution bolivarienne, silence complet sur l'état de santé d'El Commandante.

Au coeur de la Plaza Caracas, des milliers de chavistes brandissent des photos de leur président, scandent les slogans de la révolution, maudissent l'impérialisme au passage en montrant fièrement leurs nouvelles pancartes: «Je suis Chavez», peut-on y lire.

«Ils sont très habiles», commente la journaliste Luisa Berlioz en parlant des stratèges du parti socialiste.

Lorsque Hugo Chavez a quitté pour Cuba, le 10 décembre, pour subir sa quatrième opération, le slogan habituel «Je suis chaviste, je suis révolutionnaire» a été relégué aux oubliettes et remplacé par «Je suis Chavez».

«Quand il est parti, ils ont commencé à dire que Chavez restait dans nos coeurs, dans nos esprits, que l'on est tous Chavez. Moi, je suis Chavez; toi, tu es Chavez», relate la journaliste.

«C'est clair pour moi que c'est un message de transition afin que le jour où l'on dira la vérité, la pilule soit moins dure à avaler.»

Pour Eduardo Semtei, ex-politicien chaviste et aujourd'hui partisan de l'opposition, il ne fait aucun doute qu'Hugo Chavez est incapable de gouverner, mais qu'on refuse de le débrancher pour donner un peu de temps au gouvernement pour s'organiser.

«Nicolas Maduro n'est pas le candidat idéal, bien que Chavez l'ait choisi comme dauphin, soutient M. Semtei. Il n'a pas de charisme, il n'a pas de grandes connaissances et il a de la difficulté à formuler ses idées. Le gouvernement s'en rend compte et ils ne savent pas quoi faire, et c'est pour ça que le mystère entourant notre président persiste.»

La tension monte

Mais plus les jours passent, plus la pression monte et plus les divisions entre les Vénézuéliens s'accentuent. Dans la rue, la tension est palpable et les esprits s'échauffent rapidement.

«La division n'est pas une sorcellerie qui est tombée du ciel, lance M. Semtei. La division est là parce que le chavisme en a fait la promotion. La division, c'est un enfant bâtard de Chavez. Lorsque Chavez va disparaître, la division va disparaître aussi», soutient l'analyste politique.

Plaza Brión de Chacaíto, là où se croisent quotidiennement chavistes, partisans de l'opposition, riches et pauvres, les Vénézuéliens semblent s'entendre au moins sur une chose.

«Il doit y avoir un changement total, radical. Assez, c'est assez! Peu importe que l'on soit à gauche, au centre ou à droite, il faut que ça cesse! C'est Chavez qui a créé cette division absurde. Nous sommes tous vénézuéliens et nous devons miser là-dessus pour espérer un jour être à nouveau unis», croit Yajaira Vargas.

Lors de l'élection présidentielle de 2012, le candidat de l'opposition Henrique Capriles a récolté 44 % des voix contre 55 % pour Hugo Chavez.

Jeune, dynamique et modéré, il aurait en partie perdu l'élection parce que les gens ne lui ont pas pardonné d'avoir commencé sa carrière politique au sein d'un parti élitiste.

Les derniers sondages créditent 50 % des voix à Nicolas Maduro contre 36 % à Henrique Capriles.

Des défis de taille

«Je pense qu'il serait mieux qu'on élise Maduro, affirme l'homme d'affaires. Pour que le peuple se rende compte par lui-même qu'il n'est pas l'homme de la situation et qu'il finisse par élire Capriles.»

«Ce serait une grosse erreur, rétorque Eduardo Semtei.Si Maduro est élu et que le chavisme reste au pouvoir, les conditions économiques vont continuer à se détériorer», dit l'analyste politique.

Le Venezuela est frappé par une crise économique. La monnaie locale, le bolivar, a perdu 30 % de sa valeur au début de février et depuis, le prix des produits de base a considérablement augmenté en raison de leur rareté.

«Nous sommes dans le huitième monde! Pas le tiers-monde, le huitième monde! s'exclame Yajaira Vargas. C'est horrible! On n'est pas capable de trouver du papier de toilette, du beurre et des produits de base. C'est absurde! Il n'y a pas un pays d'Afrique qui vit une situation pareille.»

«On dépend beaucoup des importations, affirme Israel Dibarros. Notre prochain dirigeant aura tout un défi, prédit-il. Il va se retrouver aux commandes d'un pays corrompu, désorganisé et pratiquement complètement détruit.»

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Nicolas Maduros, vice-président

Homme de confiance d'Hugo Chavez, Nicolas Maduro, 60 ans, a été nommé vice-président du Venezuela, trois jours après la réélection d'El Commandante. Auparavant, il a occupé pendant sept ans le poste de ministre des Affaires étrangères.

Né à Caracas, il s'est fait connaître à l'école comme leader étudiant de gauche et ardent défenseur de l'idéologie maoïste. Après avoir fait ses études secondaires, il devient chauffeur d'autobus avant de prendre en 1990, les rênes du syndicat des chauffeurs.

Il rencontre Hugo Chavez pour la première fois en 1992 alors que ce dernier purge une peine de prison pour sa tentative ratée de coup d'État. Nicolas Maduro sera au coeur de la lutte qui mènera à la libération d'Hugo Chavez.

Avant son départ pour La Havane en décembre, Hugo Chavez a demandé à ses partisans d'élire Nicolas Maduro s'il advenait qu'il ne survive pas à son cancer.

Henrique Capriles, gouverneur de miranda

À 40 ans, Henrique Capriles Radonski est gouverneur de l'État de Miranda. Avocat de formation, il est devenu en 1998, le plus jeune politicien du Venezuela à remporter un siège au Congrès lors des élections législatives, alors qu'il n'avait que 25 ans.

Plusieurs croyaient que sa jeunesse serait un obstacle à son action politique, mais il a vite fait sa marque au point d'être nommé président de la Chambre des députés et vice-président du Parlement.

En 2000, il est élu maire de la ville de Baruta et sera élu pour un second mandat avant de briguer en 2008, le poste de gouverneur. Issu d'une des familles les plus riches du Venezuela, il est reconnu pour son travail de «rue». Il prône l'inclusion de tous les Vénézuéliens et la fin de la polarisation.

Candidat à la dernière élection présidentielle en octobre 2012, il a récolté 44 % des voix, contre 55 % pour le président sortant, Hugo Chavez.