Farouche opposant au processus de paix avec la guérilla des Farc en Colombie, l'ancien président Alvaro Uribe, aussi populaire que controversé, compte bien faire son retour sur la scène politique, en lançant un nouveau parti, avec en ligne de mire les élections présidentielles et législatives prévues l'an prochain.

Lui-même empêché par la Constitution de briguer un troisième mandat, l'ancien chef de l'État, au pouvoir entre 2002 et 2010, va tenter de mettre au centre de la campagne électorale les négociations difficiles actuellement menées avec la rébellion marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) à Cuba, dans l'espoir de mettre fin à un conflit qui a fait quelque 600.000 victimes en un demi-siècle.

Après l'élection à la présidence de son ex-ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, M. Uribe, avocat et propriétaire terrien originaire de la région de Medellin (nord-ouest), s'est converti en l'un de ses plus acharnés adversaires, l'accusant de trahison pour avoir ouvert le dialogue avec les Farc.

Lors du lancement cette semaine de son nouveau parti, le Centre démocratique, il a accusé son successeur de «négocier avec les terroristes» et d'avoir «abandonné la sécurité des Colombiens», même si M. Santos a toujours exclu de conclure un cessez-le-feu avant de parvenir à un accord final.

Son discours laisse augurer «une bataille pour le pouvoir», affirme à l'AFP le politologue Vincente Torrijos. «Il ne s'agit pas seulement d'un désir de rester actif dans la vie politique», souligne-t-il, en rappelant qu'à défaut de se présenter à la présidentielle, l'ex-chef de l'État a «de fortes possibilités de prendre le contrôle du Congrès». Et de contrecarrer ainsi un éventuel accord de paix signé avec les Farc.

Resté très populaire pour sa fermeté à l'égard de la rébellion des Farc, M. Uribe, élu après l'échec d'une précédente tentative de négociation, lui a livré une guerre sans merci, avec le soutien logistique des États-Unis.

Sous sa présidence, la guérilla la plus ancienne d'Amérique latine, fondée il y a 48 ans dans la foulée d'une insurrection paysanne, a perdu la moitié de ses troupes et ne compte désormais, selon les autorités, qu'à peine 8000 combattants, repliés dans les régions rurales, contre 20 000 dans les années 90.

Toutefois le gouvernement de M. Uribe a aussi été vivement critiqué pour des violations des droits de l'homme attribuées à l'armée, soupçonnée de milliers d'exécutions extrajudiciaires, des écoutes illégales ou encore des liens entre sa majorité et les milices paramilitaires d'extrême droite, accusées d'avoir infiltré le Congrès. Responsables de nombreux massacres de civils, ces milices ont été dissoutes entre 2003 et 2006.

Pour M. Torrijos, ces scandales pourraient malgré tout ne pas suffire à enrayer la popularité de M. Uribe auprès des Colombiens qui lui sont reconnaissants d'avoir rétabli une certaine sécurité dans le pays. «Uribe a toujours été associé aux paramilitaires, mais cela n'a jamais entamé sa popularité», relève-t-il.

Selon un sondage publié en janvier, M. Uribe, bien qu'il ne puisse être candidat, l'emporterait sur M. Santos au premier tour de la présidentielle par 42,7% contre 33,9%.

Les soutiens de l'ex-président, issu d'une famille de grands propriétaires terriens de Medellin (nord-ouest) restent de surcroît très forts. Parmi eux figurent l'ancien vice-président Francisco Santos ou encore le président de la puissante fédération d'éleveurs José Felix Lafaurie.

Le Centre démocratique est composé d'un «groupe de grands propriétaires qui veulent conserver leurs terres», explique à l'AFP Ruben Sanchez, professeur de sciences politiques à l'Université Rosario de Bogota.

M. Uribe représente la «droite dure» qui sent ses intérêts menacés par la «droite molle» incarnée par M. Santos, issu de la grande bourgeoisie colombienne, selon M. Sanchez.

Pour arriver à convaincre les Colombiens, qui ont en majorité salué l'ouverture de négociations avec les Farc, ses partisans pourraient tirer profit d'un éventuel blocage du processus de la paix pour brandir la menace du retour de l'insécurité.

Et, après une brève trêve unilatérale des Farc de deux mois, la reprise de leurs offensives, avec son lot de soldats et policiers tués, leur offre déjà un argument de poids.