Devant une récidive de son cancer, le président vénézuélien Hugo Chavez a demandé samedi dernier à son peuple de placer sa confiance en son bras droit, Nicolas Maduro, qui assurera l'intérim en son absence. Son arrivée au pouvoir ne manquerait toutefois pas de créer des tensions. Son discours modéré et son attitude conciliante pourraient chambouler l'échiquier politique du Venezuela. Portrait de l'homme désigné à porter le flambeau du régime chaviste.

Trois jours après sa réélection à la tête du Venezuela le 7 octobre dernier, Hugo Chavez nomme son ami de longue date, Nicolas Maduro, à la vice-présidence du pays. Devant les journalistes, le chef d'État prend plaisir à taquiner son nouvel homme de confiance. «Regardez où va Nicolas, le chauffeur de bus Nicolas!», lance à la blague M. Chavez, en référence à l'emploi qu'occupait Nicolas Maduro dans les années 90.

Deux mois plus tard, devant une rechute de son cancer, le président malade ne peut qu'assurer ses arrières. Ce même chauffeur d'autobus, originaire de Caracas, grimpe d'un échelon et devient la tête d'affiche du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), au pouvoir depuis 1999.

«Ce qu'on sait de Nicolas Maduro, c'est qu'il appartient à l'aile modérée du chavisme. Le mouvement est hétérogène, il ne faut pas penser que tout le monde conçoit la révolution bolivarienne de la même façon, explique Victor Armony, professeur de sociologie à l'UQAM et directeur de l'Observatoire des Amériques. Maduro, lui, se trouve véritablement du côté des modérés, ce qui n'est pas forcément bien vu.»

Carrière syndicale

Né en novembre 1962, Nicolas Maduro est élu pour la première fois à l'Assemblée nationale en 1999, après une décennie de syndicalisme engagé au cours de laquelle il assure notamment la direction du syndicat du métro de Caracas. L'homme de 50 ans fait son entrée au gouvernement en 2006, lorsque Hugo Chavez le nomme ministre des Affaires étrangères, poste qu'il cumule à celui de vice-président.

«Il est très loyal à Chavez. Ce n'est pas quelqu'un qui va se positionner de manière indépendante et diverger des lignes du gouvernement», poursuit Victor Armony.

Pour le doctorant qui travaille sur le Venezuela à l'Université Laval, François Xavier Drapeau, les racines protestataires de l'aspirant chef vénézuélien l'aideront à bien paraître aux yeux du grand public dans sa course à la présidence, si Hugo Chavez décidait de se retirer.

«Il a des origines humbles. Il ne paraît pas hautain comme certains membres de l'opposition qui, eux, proviennent de l'aristocratie, indique l'étudiant. Sa personnalité ressemble à celle des gens pauvres, la base électorale sur laquelle Chavez se fie pour gagner ses élections.»

M. Drapeau admet toutefois qu'il ne voit pas en Nicolas Maduro la ténacité d'Hugo Chavez. «Est-ce que le système chaviste va être capable de perdurer, en sachant qu'il n'a pas la personnalité de Chavez? Ça reste à voir.»

Tensions à prévoir

Si Nicolas Maduro est mené au pouvoir, il faudra s'attendre à des frictions au sein du caucus du PSUV, estime le professeur de sociologie Victor Armony. «L'aile radicale va le trouver trop mou, trop négociateur, trop diplomate à certains égards, alors qu'elle prône la ligne dure.»

Mais l'ancien syndicaliste est aussi connu pour ses talents de communicateur. Un atout qui pourrait profiter au pays, si l'on se fie aux résultats des élections du mois d'octobre dernier, où le parti d'opposition d'Henrique Capriles a réussi à s'imposer sur la scène politique.

«Il est ouvert au dialogue. Il ne gouvernera pas à la façon de Chavez, je le vois plutôt comme un possible président d'unité nationale, tout en restant le plus fidèle aux grands principes de la révolution», ajoute le directeur de l'Observatoire des Amériques.

Si Hugo Chavez décide de se retirer de la vie politique, Nicolas Maduro deviendra président du Venezuela par intérim. Selon la Constitution, des élections doivent avoir lieu dans l'année qui suit la démission du président sortant.