Pour la première fois depuis un demi-siècle, les élections générales à Cuba, qui vont renouveler la direction du pays en février, présentent des inconnues, avec la nécessaire relève de la génération historique issue de la Révolution de 1959, écartée par l'âge et la limitation des mandats.

«Pour la première fois dans le panorama électoral, il y a diverses options en jeu. Les élections vont dévoiler quelques clés pour l'avenir», estime Jorge Gomez Barata, un éditorialiste digital (www.cubano1erplano.cu) et ancien membre du département idéologique du Parti communiste de Cuba (PCC), le parti unique qui supervise toutes les activités politiques dans l'île.

La limitation à deux mandats de cinq ans pour les principaux responsables du régime impose en effet à l'horizon 2018 un fort renouvellement des élites, dont les principales figures devraient émerger dès les prochaines élections.

Huit millions de Cubains sont appelés en février à élire les membres de leurs quinze assemblées provinciales et les quelque 600 députés de l'Assemblée nationale. Ceux-ci élisent ensuite le Conseil d'État, aujourd'hui de 31 membres, qui désigne son président, Raul Castro depuis février 2008. Sauf imprévu, celui-ci devrait voir son mandat renouvelé, pour la dernière fois.

À 81 ans, président du Conseil d'État et du conseil des ministres et premier secrétaire du PCC, Raul Castro a lui-même décidé en 2011 de limiter à deux le nombre de mandats de cinq ans des principaux responsables du pays. Tout en soulignant qu'il n'existait pas encore de relève parmi les dirigeants du pays.

Depuis l'entrée en vigueur de la constitution de 1976, les Cubains étaient habitués aux réélections successives du père de la Révolution Fidel Castro, aujourd'hui âgé de 86 ans et retiré de la vie politique depuis 2006, au profit de son frère.

La limitation à deux mandats devrait mettre un terme non seulement à la présidence de Raul Castro, mais aux fonctions de toute la «génération historique» qui a participé à l'avènement de la Révolution en 1959.

En 2018, «le PCC ne pourra plus compter sur les dirigeants issus de la Révolution qui peuvent se targuer d'une certaine légitimité historique», estime dans sa dernière livraison la revue catholique Espacio Laical.

Et comme un changement complet de la direction en 2018 semble «non-viable», selon Jorge Gomez Barata, la relève doit débuter en février 2013.

«À l'horizon de cinq ans, il y aura une relève générationnelle, qu'il est impératif de préparer maintenant», affirme l'ancien cadre du PCC.

Pour Espacio Laical, afin de donner «la légitimité nécessaire» à celui qui un jour devra succéder à Raul Castro, il faudra également changer le processus électoral.

«Ceci devrait commencer à se préparer maintenant, afin que le résultat soit un processus mature, auquel auront participé l'ensemble des Cubains», estime la revue de l'Église catholique, interlocuteur privilégié du régime en l'absence de toute opposition légale.

«Il est probable que l'initiative du président Raul Castro de limiter les mandats implique d'autres changements dans les mécanismes électoraux, dont certains pourraient être profonds et requérir des modifications importantes de la Constitution», estime également Jorge Gomez Barata.

«Dans tous les cas, il faut mettre un terme à la lenteur avec laquelle émergent les cadres, qui jusqu'à présent n'ont atteint que des niveaux intermédiaires, car désormais il s'agit du haut niveau, et ce n'est pas l'avenir, mais le présent. Il y a du travail à faire», conclut Jorge Gomez Barata.