Les Colombiens sont partagés entre l'espoir d'une baisse des violences de la part des guérilleros et la méfiance envers les FARC, au lendemain de l'annonce d'un cessez-le-feu unilatéral de deux mois par la guérilla destiné à favoriser les pourparlers de paix en cours à Cuba.

«Ce serait magnifique que ce cessez-le-feu devienne réalité. Nous prions les esprits pour que l'on parvienne à la paix», a déclaré à l'AFP Luis Acosta, membre de la garde indigène du Cauca (province du sud-ouest de la Colombie), la région où le conflit a été le plus aigu ces dernières années.

«Chaque jour, beaucoup de nos enfants ne peuvent pas aller étudier ou jouer. Un dialogue sans cessez-le-feu n'est pas crédible. Au contraire, s'il y a réellement une trêve, cela donne confiance», a-t-il ajouté.

Les responsables des Forces armées révolutionnaires de Colombie (marxistes), qui comptent environ 9200 combattants selon les autorités, se sont assis lundi à Cuba à la table des négociations avec les représentants le gouvernement colombien du président Juan Manuel Santos, dans l'espoir de mettre fin à un conflit meurtrier de quasiment un demi-siècle.

Depuis début septembre, quand le processus de paix a été annoncé, la guérilla réclamait un cessez-le-feu bilatéral, option catégoriquement rejetée par le gouvernement. Finalement, les FARC ont pris l'initiative lundi d'une trêve unilatérale, jusqu'au 20 janvier, destinée à favoriser le dialogue.

Pour Alejo Vargas, politologue à l'université nationale de Colombie, il s'agit d'«une bonne décision, qui aide à réduire la violence, avec un impact positif sur la confiance».

Après cette annonce surprise lundi par les FARC à l'ouverture du premier cycle de négociations à La Havane, le ministre colombien de la Défense, Juan Carlos Pinzon, a toutefois réaffirmé que la «force publique continuerait de travailler pour poursuivre» les guérilleros.

Et ni le président Santos ni la délégation du gouvernement à Cuba n'ont commenté la décision.

«Il serait souhaitable que cette trêve de la guérilla soit un premier pas vers un cessez-le-feu permanent. Cependant, il faut dire clairement que si elle décide de ne pas la prolonger après le 20 janvier, ça ne signifie pas que les discussions avec le gouvernement se passent mal», a poursuivi M. Vargas.

Parmi les obstacles que la guérilla doit surmonter dans ces discussions figure la méfiance d'une importante partie de la population, après l'échec de trois précédentes tentatives de dialogue (1984-87, 1991-92 et 1999-2002).

Il leur a notamment été reproché d'avoir profité à l'occasion de cette dernière tentative de ce que le gouvernement leur avait accordé une zone démilitarisée pour se renforcer.

«Pourvu que les FARC fassent (une trêve) et ne se livrent pas à une manoeuvre de diversion (...) Nous faisons le pari qu'ils sont bien intentionnés et vont respecter cette initiative qui leur revient», a commenté pour l'AFP la parlementaire Consuelo Perdomo, qui a été l'otage de la guérilla pendant presque six ans.

Luis Eduardo Celis, de l'institut de recherche sur le conflit armé Nuevo Arco Iris, a également mis en garde contre les risques d'une trêve de la guérilla.

«On va mesurer plusieurs choses : si le commandement des FARC a la capacité à la faire respecter, s'il y a des saboteurs du processus, si le gouvernement peut les identifier et faire la lumière sur les violences qui surgiront éventuellement», a-t-il expliqué.

Le conflit colombien, le plus ancien d'Amérique du Sud, a fait 600 000 morts selon le gouvernement, 15 000 disparus d'après l'ONU et 3,7 millions de déplacés, a indiqué le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies.