Les négociations de paix entre les FARC et le gouvernement colombien, qui doivent reprendre jeudi à Cuba, vont affronter un défi de taille: la réinsertion des guérilleros marxistes qui veulent retrouver la scène politique et non la prison.

Ultime grande rébellion d'Amérique latine, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) comptent, selon les autorités, quelque 9000 combattants, dont le retour à la vie civile s'annonce délicat après un demi-siècle de conflit qui a fait des centaines de milliers de morts.

«Au cours des 20 dernières années, le monde a changé et les FARC ne s'en sont pas rendu compte. La justice internationale a beaucoup progressé et il n'est aujourd'hui plus possible d'accorder des amnisties», explique à l'AFP Javier Ciurlizza, responsable régional de l'ONG Crisis Group, spécialiste des conflits.

Plusieurs mois avant l'ouverture de ces négociations, le président colombien Juan Manuel Santos a fait adopter au Parlement un dispositif baptisé «cadre juridique pour la paix», prévoyant la possibilité de suspension de peine pour les rebelles repentis.

Toutefois, les condamnations déjà prononcées à l'encontre de guérilleros doivent en théorie leur interdire tout accès à une charge élective et il faudra trouver, selon M. Ciurlizza, un mécanisme offrant aux FARC une «vitrine politique».

Ces questions promettent sans doute les «débats les plus intenses» lors des négociations, estime Ariel Avila, politologue colombien à l'Institut Nuevo Arco Iris.

«Il sera difficile d'imaginer qu'après cinquante ans de guerre, la direction des FARC rende les armes en échange d'années de prison. D'un autre côté, il sera compliqué pour la communauté internationale comme pour la société colombienne d'accepter que les négociations signifient +zéro prison+», ajoute cet expert.

En cas d'accord de paix, les FARC et le gouvernement devront ainsi convaincre l'opinion de la nécessité de tourner la page, une idée qui passe difficilement dans la société civile, comme l'indique Maria Victoria Llorente, de la fondation colombienne Idées pour la paix.

«Les Colombiens comprennent ce processus comme une négociation politique, mais ils ne sont pas d'accord pour que la guérilla obtienne le droit à une représentation politique, et ils exigent qu'il n'y ait pas d'impunité», assure-t-elle.

Ce n'est cependant pas la première fois que la Colombie doit résoudre ce casse-tête juridique que pose la démobilisation d'organisations rebelles.

Dans les années 90, plusieurs groupes armés se sont dissous, obtenant une amnistie générale: les guérillas nationalistes du Mouvement du 19 avril (M-19), maoïste de l'Armée de libération populaire (EPL) ou indigène de Quintin Lame.

Le M-19 a notamment pu, par la suite, obtenir une forte représentation politique à l'Assemblée constituante de 1991 et l'actuel maire de Bogota, Gustavo Petro, est issu de ses rangs.

La réinsertion politique des ex-guérilleros pose aussi la question de leur sécurité car, dans le passé, nombre d'entre eux ont été assassinés, notamment par les milices paramilitaires d'extrême droite fondées dans les années 80 pour combattre les guérillas communistes.

Le candidat à l'élection présidentielle issu du M-19, Carlos Pizarro, a été abattu en 1990, de même que celui de l'Union patriotique (UP), ancienne vitrine politique des FARC, tué en 1987 et dont la mort scella la rupture des premières négociations de paix.

Au total, quelque 3000 membres de l'UP ont été assassinés par ces milices paramilitaires, qui se sont officiellement démobilisées entre 2003 et 2006, même si la plupart de leurs membres ont rejoint les rangs de gangs criminels.

«La protection des leaders et militants des FARC après un accord de paix est fondamentale pour le succès du processus», souligne M. Avila.