La gauche mexicaine remet en cause de façon de plus en plus insistante la légitimité de l'élection d'Enrique Peña Nieto à la présidence du Mexique, dénonçant désormais des achats de votes massifs, et s'apprête à la contester sur le terrain légal après la fin du comptage officiel samedi.

L'Institut fédéral électoral (IFE) a annoncé mercredi qu'il allait recompter jeudi plus de la moitié des bulletins de vote déposés dans le cadre de l'élection présidentielle de dimanche, soit ceux glissés dans 54,5 % des urnes (78 012 sur 143 144) utilisées dans tout le pays à cette occasion.

Avant le début du recomptage officiel, le résultat provisoire de l'élection donnait un total de 38,15 % des suffrages exprimés à M. Peña Nieto, candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), contre 31,64 % à Andres Manuel Lopez Obrador, le candidat de la coalition de gauche. L'élection mexicaine se déroule au scrutin majoritaire à un tour.

Le candidat de la gauche avait qualifié mardi ce résultat de « frauduleux » et demandé le recomptage de tous les bulletins de vote.

Mercredi, son coordinateur de campagne, Ricardo Monreal, a fait monter les enchères en traitant M. Peña Nieto d'« imposteur » et a parlé de la distribution par le PRI de « millions » de bons d'achat dans une chaîne de supermarchés pour se garantir des votes favorables dans tout le Mexique.

« Il n'y a pas de président élu, il n'y a pas de candidat élu et celui qui se donne ce titre est un imposteur », a-t-il dit.

« Il faut examiner ce qui se passe dans les magasins Soriana (la chaîne de supermarchés) où se sont produits hier et avant-hier des achats de panique, avec des milliers, des millions de personnes qui venaient réclamer leur dû », a-t-il dit sur la radio MVS.

L'achat de vote, cause de nullité sous conditions

De nombreux témoignages à la télévision et sur les réseaux sociaux font état de ces achats de votes, la plupart du temps organisés par le PRI.

Soriana a publié mercredi dans les journaux un communiqué pleine page pour démentir : « Les cartes qu'ont montrées plusieurs médias sont des cartes de fidélité », selon le groupe, et « à aucun moment n'y a été déposé de l'argent ».

Par la voix de son porte-parole, Eduardo Sanchez, le PRI a également démenti ces accusations, affirmant que « la campagne d'Enrique Peña Nieto et le PRI n'ont rien à voir avec ces cartes ».

Selon Jose Antonio Crespo, un chercheur du Centre d'investigations et d'enseignement économiques (CIDE), c'est cette affaire que la gauche va utiliser pour tenter d'obtenir une improbable annulation de la présidentielle.

Selon lui, le recomptage des voix n'est pas un problème. Ce fut un problème en 2006, année où l'écart entre MM. Lopez Obrador et Felipe Calderon, le président sortant, était de 0,56 % seulement.

Mais aujourd'hui qu'une réforme électorale intervenue en 2007 le permet, le recomptage bulletin par bulletin « ne changera rien parce que la moyenne arithmétique des incohérences (dans les comptages) est de 1,5 % au maximum ». Or, on est face en 2012 à un écart de 6 %, soit plus de trois millions de voix.

Par ailleurs, les reproches adressés au PRI concernant des budgets de campagne supérieurs à ce qui est prévu ne peuvent pas non plus être à l'origine d'une annulation, mais seulement d'amendes.

« L'achat de votes est une cause de nullité, mais à certaines conditions », a expliqué le spécialiste à l'AFP.

Selon M. Crespo, il faut en vertu de la loi « démontrer que dans 25 % des bureaux de vote il y a un achat de votes aboutissant à modifier l'écart entre le premier et le deuxième. Ça va être compliqué ».

Ce qui est probable, c'est la prolongation des contestations pendant deux mois, jusqu'à la proclamation officielle des résultats le 6 septembre prochain par le Tribunal fédéral électoral (TRIFE).

D'ores et déjà, M. Monreal a prévenu que la gauche avait l'intention de récuser le président de cette instance, Alejandro Luna Ramos, lui reprochant d'être parmi les magistrats qui « ont avalisé la fraude » en 2006.