Retour du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au pouvoir: c'est à ces mots que se résume, pour beaucoup de Mexicains, la victoire d'Enrique Peña Nieto dimanche. Si 38% des électeurs lui ont donné leur voix, nombreux craignent une régression de la démocratie... Hier, quelque 25 000 jeunes ont manifesté dans les rues de Mexico, criant: «Le Mexique sans le PRI!»

Après sa victoire à l'élection présidentielle, Enrique Peña Nieto devra attendre quelque temps avant son investiture, le 1er décembre 2012. Un mois que les Mayas avaient souligné dans leur calendrier: à ce moment devrait se produire un changement de cycle régénérateur d'après certains, ou un cataclysme irréversible, selon d'autres.

Sentiments contradictoires

Les mêmes sentiments contradictoires ont traversé l'électorat mexicain dimanche soir, en constatant que le parti du passé, le Parti révolutionnaire institutionnel, revenait au-devant de la scène politique en remportant la présidence de la république avec 38% des voix, devant le candidat de gauche, Andrés Manuel López Obrador (31%), et l'aspirante de droite, Josefina Vázquez Mota (25%). En 2000, le PRI avait été éjecté du pouvoir par la droite, après 71 ans de domination associés au développement du pays, mais aussi à l'autoritarisme, au clientélisme et à la corruption.

Durant toute la campagne, Peña Nieto s'est ingénié à convaincre les électeurs qu'il était le fer de lance d'un «nouveau PRI». Au moment de proclamer sa victoire dimanche, il ne s'adressait pas à ses sympathisants, mais aux millions d'électeurs qui le redoutent lorsqu'il a dit: «Aujourd'hui, les Mexicains ont donné une seconde chance à notre parti. Je serai un président démocrate. Il n'y a pas de retour au passé.»

Mais les Mexicains connaissent les méthodes clientélistes employées par l'ex-gouverneur de l'État de Mexico (2005-2011) pour gagner des soutiens, ses contrats avec les télévisions pour promouvoir son image, ainsi que sa proximité politique avec l'ex-président Carlos Salinas, emblème de l'ancien régime. L'image de jeune «priiste» démocrate tourné vers l'avenir de Peña Nieto est ternie. «Il n'y a pas de nouveau PRI», dénonce Daniel Joloy, de la Commission mexicaine de défense et promotion des droits de l'homme. Cette organisation civile rappelle que lorsqu'il était gouverneur, Peña Nieto a réprimé des manifestations dans le sang - l'exemple de la petite ville d'Atenco en 2006 - et favorisé l'impunité qui a entouré l'augmentation effarante du nombre d'assassinats de femmes, qualifiés de «féminicides» au Mexique. «Ce sont des signaux inquiétants. Nous craignons que Peña Nieto ne décide de restreindre certains droits», affirme Joloy. «Le retour du PRI fait très peur», estime pour sa part Viridiana Reyes, une étudiante qui qualifie le président élu de «déplorable».

Le porte-parole du PRI, Eduardo Sánchez, insiste au contraire sur le profil novateur de Peña Nieto: «C'est un dirigeant qui respecte ses engagements, qui a une parole. Il est bien intégré dans le parti, mais c'est le premier politicien qui s'engage formellement à remplir ses promesses électorales», explique-t-il, en allusion aux promesses que l'ex-candidat a signées publiquement devant notaire. Alors... cataclysme destructeur ou régénération?