Le Venezuela s'est lancé cette semaine dans une campagne électorale présidentielle. Le président Hugo Chavez, faisant fi d'un cancer qui le mine depuis plus d'un an, a officiellement annoncé sa candidature lundi. Son opposant, jeune gouverneur issu de la bourgeoisie, l'avait fait la veille. La fin de la «révolution bolivarienne» est-elle possible?

L'hiver dernier, les principaux partis d'opposition ont tenu des primaires pour choisir un candidat unique qui croiserait le fer avec Hugo Chavez à l'élection présidentielle du 7 octobre prochain. Les prévisions étaient que moins de 1 million de personnes y participeraient. Mais au bout du compte, près de 3 millions de Vénézuéliens opposés à la «révolution bolivarienne» de Chavez ont appuyé Henrique Capriles ou l'un de ses quatre opposants.

Le succès des primaires, remportées par Capriles avec 62% des voix, laissait entrevoir la fin prochaine du chavisme. Mais depuis, le candidat de l'opposition traîne la patte dans les sondages.

«On voit que Chavez est affecté par son cancer, mais ses appuis demeurent solides», dit Pedro Rodriguez, de l'Association des Vénézuéliens de Québec. «Il faudra voir si la campagne changera quelque chose. La tradition au Venezuela est de visiter chaque petit village et d'y faire des marches avec des partisans. Il se peut que Capriles sorte avantagé si les gens se rendent compte que Chavez n'a plus la forme.»

Steve Ellner, un politologue de l'Université de l'Est au Venezuela qui est critique envers l'opposition, reconnaît que l'opposition réussit à mobiliser des électeurs. «Lors du dépôt officiel des candidatures de Chavez et Capriles, dimanche et lundi derniers, des dizaines de milliers de personnes les ont tous deux accompagnés. Chavez n'a plus un avantage aussi net dans les manifestations de masse. Mais même les sondeurs de l'opposition le placent toujours en avance.»

D'autres analystes ont souligné la montée des indécis, plus d'un tiers de l'électorat, qui pourrait causer des surprises.

Petit-fils de réfugiés polonais du régime nazi, Capriles est un avocat de 39 ans issu d'une famille bourgeoise - la famille de son père détient la plus importante chaîne de cinémas au pays et celle de sa mère a des intérêts médiatiques et agroalimentaires. Il a commencé sa carrière politique à 26 ans comme député, puis comme maire d'une ville de banlieue cossue de Caracas, avant de battre un dauphin d'Hugo Chavez aux élections pour le poste de gouverneur du deuxième État du pays quant à la population, Miranda, en 2008. Steve Ellner admet qu'il a été un gouverneur efficace, réorganisant notamment le réseau scolaire et celui de la santé.

Il a fait quatre mois de prison en 2004 pour avoir participé à une manifestation devant l'ambassade de Cuba lors du coup d'État antichaviste de 2002 - il affirme qu'il s'y était rendu en tant que maire pour calmer les esprits. Il se présente comme un nouveau Lula qui conservera les politiques sociales chavistes tout en s'attaquant au problème de l'insécurité et en abolissant le contrôle serré des prix et des devises étrangères. Les partisans de Chavez l'ont dépeint comme un riche suppôt des Américains, certains allant jusqu'à le traiter - ironiquement - de nazi.

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Un enjeu béton

Au début du mois, une jeune Vénézuélienne de 19 ans de l'île Margarita, Natalia Valdivieso, s'est inscrite au compte Twitter de Hugo Chavez. Elle était la trois millionième à le faire. Pour la récompenser, le président vénézuélien lui a fait cadeau d'une maison neuve.

L'anecdote illustre bien l'un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle. Le gouvernement admet que 3,1 millions des 29 millions d'habitants du pays vivent dans des conditions inacceptables, généralement des bidonvilles. M. Chavez affirme avoir construit 125 000 unités d'habitation en 2011, mais ses opposants en doutent, affirmant qu'il n'a jamais réussi à dépasser le seuil des 50 000 par année durant son règne de 13 ans.

«J'ignore qui a raison, dit le politologue américain Steve Ellner. Mais je trouve que le programme de construction de Chavez est admirable parce qu'il requiert la participation des bénéficiaires. Mon plombier m'a dit récemment que sa vieille grand-mère s'est récemment mise à mélanger du ciment fourni par le gouvernement pour réparer sa maison.»