Les États-Unis ont investi des milliards en Haïti dans le passé pour ensuite voir la situation humanitaire s'y dégrader, constate le coordonnateur de la mission américaine dans ce pays, Thomas Adams. Notre voisin du Sud mise désormais sur le développement économique pour aider le pays à émerger de la crise humanitaire, et un jour s'affranchir de l'aide étrangère.

M. Adams était de passage à Ottawa, cette semaine, pour discuter de la reconstruction d'Haïti. Avec le Canada, les États-Unis font partie des figures de proue du mouvement international qui s'est porté au chevet du pays dévasté par un séisme il y a plus de deux ans.

«Haïti a besoin de beaucoup de choses: de l'aide en matière de santé, d'éducation, de reconstruction, indique M. Adams en entrevue à La Presse. Mais ce dont le pays a le plus besoin, ce sont des emplois. Il n'y a aucune raison pour qu'Haïti ne puisse pas devenir un pays aux revenus moyens semblables à ceux de la République dominicaine. Il doit seulement prendre de bonnes décisions économiques.»

La moitié des familles américaines ont versé un don à Haïti dans la foulée du séisme qui a tué 200 000 personnes en janvier 2010, souligne M. Adams. Des politiciens des deux côtés du Congrès ont fait de la reconstruction du pays une priorité. Sans compter l'apport de vedettes comme l'acteur Sean Penn, qui a lui-même financé la construction de camps de réfugiés dans la foulée du désastre.

Or, l'aide internationale ne suffit pas, dit l'émissaire américain. S'il veut retrouver le chemin de la prospérité, Haïti doit maintenant rebâtir son économie. M. Adams mise sur trois secteurs pour attirer de l'investissement et créer de l'emploi: l'agriculture, le textile et le tourisme.

Pour stimuler le secteur du textile, par exemple, Washington participe à la construction du plus grand parc industriel des Caraïbes, au nord d'Haïti. On a bâti une centrale électrique non loin de là et on rénove un port qui se trouve à proximité.

Une société coréenne a déjà investi 90 millions dans le secteur, fait valoir M. Adams. Si le complexe vient à fonctionner à plein rendement, plus de 65 000 Haïtiens pourraient y trouver du travail.

Les États-Unis souhaitent aussi faire disparaître l'étiquette de gouvernement corrompu et inefficace qui colle à la peau d'Haïti depuis des années. Des experts aident les fonctionnaires à réviser les mécanismes, à raccourcir les délais, à faciliter la délivrance de permis, bref, à rendre le pays plus attrayant pour les investisseurs.

«Il a fallu 40 ans pour qu'Haïti, qui était relativement prospère, devienne le pays le plus pauvre de l'hémisphère, observe Thomas Adams. Ce ne sera donc pas rapide. Il faut à peu près 25 ans de croissance. Mais la croissance attire la croissance.»

Lente reconstruction

Le Canada a déjà exprimé son insatisfaction devant la lenteur de la reconstruction dans ce pays, et l'émissaire américain est du même avis. «Les gens sont réalistes, précise-t-il. Ils savent qu'on ne réglera pas le cas d'Haïti en deux ans.»

Thomas Adams a bon espoir que l'entrée en fonction du premier ministre Laurent Lamothe, il y a quelques semaines, entraînera une trêve dans l'instabilité politique qui a marqué la première année au pouvoir du président Michel Martelly.

L'ancien chanteur, élu l'an dernier, a en effet passé les premiers mois de son mandat à mener un bras de fer contre ses adversaires politiques qui dominent le congrès. Un tiraillement qui a nui à la reconstruction.