Le candidat centriste Enrique Peña Nieto sera le prochain président du Mexique si les sondages ne se trompent pas. Crédité de 45 à 50 % des voix grâce à une présence écrasante dans les médias, Peña Nieto joue sans retenue de son physique avantageux, étale sa vie sentimentale et présente de manière très théâtrale ses promesses électorales. À l'un de ses rassemblements, La Presse l'a rencontré avec ses partisans.

La ville de Puebla, à l'est de Mexico, fin avril. Devant un auditoire bondé de 5000 jeunes, Enrique Peña Nieto mettra près d'une heure à atteindre la scène. Le candidat du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) salue ses admirateurs, les embrasse, les écoute, leur adresse des mots gentils, se prend en photo avec eux... «C'est cela qu'on aime chez lui : il est beau, il est proche des gens et humble», affirme Suri, militante de 29 ans. «C'est une rock star», déclare, avec moins d'humilité, un membre de son équipe.

Lors des rassemblements, les femmes l'acclament : «Enrique, joli, je te veux dans mon lit!» Ses détracteurs le traitent de bel écervelé. Qu'importe, au lieu de contrecarrer les critiques, il en rajoute: il a fait dessiner une poupée Ken à son effigie et la distribue à ses fans. Pour contenter les téléspectateurs, il apparaît souvent aux côtés de son épouse, une populaire actrice de telenovela (téléroman). Et il n'hésite pas à étaler son machisme: «Je ne suis pas la femme de la maison», a-t-il déclaré à un journaliste pour s'excuser de ne pas connaître le prix du kilo de tortilla, l'aliment de base au Mexique. Les féministes, elles, n'oublient pas que lorsque Peña Nieto était gouverneur de l'État de Mexico, le nombre de morts violentes de femmes dans cette entité était le plus élevé de tout le pays.

Critiques acerbes

Ses adversaires lui reprochent de ne pas savoir s'exprimer, de n'avoir jamais lu un livre, de n'avoir comme idée qu'un ambitieux plan publicitaire pour conquérir l'électorat. À Puebla, ce jour-là, il prononce avec brio, sans papier, un long discours. Mais ses propos sont creux, redondants: il mouline autour de l'idée de «donner des occasions aux jeunes», sans en expliquer la teneur. «Les Mexicains ont en marre des politiciens qui ne font que des beaux discours», explique un de ses collaborateurs. Les résultats, Enrique Peña Nieto se targue d'en faire sa spécialité.

Pour convaincre, il formalise ses engagements: il signe en public le texte de ses promesses et les fait valider par un notaire. Ce jour-là Peña Nieto s'engage à augmenter de 45% le nombre de jeunes mexicains qui étudieront à l'université. De manière théâtrale, il signe le «contrat» et le brandit devant la foule. Dans l'État de Mexico, dont il a été gouverneur, il se targue d'avoir respecté les 608 promesses qu'il avait signées. «Il prend des engagements et il les respecte, il va sauver le pays», estime Alejandra, une étudiante de 18 ans.

Pour le journaliste Jenaro Villamil, qui a enquêté sur sa carrière, ce n'est qu'un grand show orchestré par les télévisions, qu'il accuse d'avoir signé de juteux contrats publicitaires avec le candidat. «La promotion des travaux réalisés par Peña Nieto a coûté plus cher que la réalisation des travaux eux-mêmes», prétend Villamil.

En plus de l'adulation des télévisions, Peña Nieto profitera aussi de la désaffection des électeurs pour la droite au pouvoir, qui n'a pu réduire la violence qui décime le pays. À la sortie de la réunion, il répond brièvement à La Presse concernant sa future stratégie sécuritaire: «L'une de mes priorités est de réduire la violence», déclare-t-il simplement.

L'élection en chiffres

L'élection se tiendra le 1er juillet 2012.

6

Le mandat présidentiel dure six ans, le prochain s'étend donc de 2012 à 2018.

20

Nombre de points d'avance dans les sondages que compte Peña Nieto sur ses adversaires.

71

Nombre d'années que le PRI a gouverné le Mexique, de 1929 à 2000.

84 millions

Nombre d'électeurs, sur une population totale de 112 millions d'habitants.

Enrique Peña Nieto

Parti révolutionnaire institutionnel (centre)

Déjà politicien au long cours, à 45 ans, il est le plus jeune candidat. De 2005 à 2011, il a été gouverneur de l'État de Mexico, le plus peuplé du pays, poste qui lui sert de tremplin vers la présidence. Licencié en droit, il est proche du milieu politique de l'ex-président Carlos Salinas. Il est aussi le candidat du Parti vert écologiste.

Les rivaux d'Enrique Peña Nieto

Josefina Vàzquez Mota

Parti d'action nationale (droite)

C'est la première femme qui ait des chances d'accéder à la présidence. Économiste de 51 ans, elle a occupé plusieurs postes au sein des gouvernements de Felipe Calderon et de Vicente Fox. Ces 12 années au pouvoir, marquées par la violence et la crise économique, constituent son plus grand désavantage. Glaciale et figée lors de ses présences à la télévision, Chepina, comme la surnomment ses partisans, tente de jouer la carte féminine, de la sensibilité et de l'empathie avec les Mexicains. Proche de l'Église catholique, elle se montre très conservatrice sur les questions de moeurs.

Andrés Manuel López Obrador

Parti de la révolution démocratique (gauche)

Déjà candidat de la gauche en 2006, il n'a jamais reconnu la victoire de Felipe Calderon, alors que seulement 0,5 % des voix les séparait. AMLO, comme on le surnomme, s'était alors autoproclamé «président légitime» du Mexique. Cet homme de 58 ans a passé les six dernières années à arpenter le pays, en visitant le moindre village reculé. Ultranationaliste, il a adouci son discours récemment et tente de se débarrasser de son étiquette d'Hugo Chavez mexicain. Son projet pour le Mexique, c'est la «république amoureuse», la restauration de valeurs morales pour lutter contre la décadence et la corruption.