À Mexico et à Veracruz, où quatre journalistes ont été tués en une semaine, les membres de la presse réclament la fin des persécutions à leur encontre et dénoncent l'incapacité du gouvernement à élucider les meurtres de leurs collègues.

«On ne tue pas la vérité en tuant le journaliste.» Sur les affiches brandies par les manifestants, cette phrase encadre le portrait de Regina Martínez.

La correspondante de l'hebdomadaire Proceso, dans l'État de Veracruz, a été étranglée à son domicile le 28 avril. Cinq jours plus tard, les corps mutilés et démembrés de trois photographes de presse ont été découverts dans le port de Veracruz, sur le golfe du Mexique. Leurs noms s'ajoutent à ceux des 70 journalistes disparus ou tués au Mexique depuis 2000 - des crimes qui surviennent dans un contexte de violence propagée par les cartels de la drogue.

Plusieurs manifestations ont été organisées de vendredi à dimanche dans les rues de Mexico et de Veracruz, ville où neuf reporters ont été assassinés en quelques mois. Des centaines de journalistes mexicains bouleversés par ces crimes, dont certains avaient du mal à retenir leurs larmes, ont dénoncé l'indifférence des autorités et l'implication de fonctionnaires publics dans certains de ces meurtres. «Gouvernement tueur de journalistes», avaient-ils inscrit sur la couronne de fleurs destinée à leurs collègues défunts.

Vulnérabilité extrême

Patricia Dávila, reporter de Proceso spécialisée dans les questions de sécurité et de narcotrafic, a affirmé en entrevue avec La Presse que les journalistes mexicains sont dans un état d'extrême vulnérabilité.

«On veut faire taire les voix de ceux qui font connaître ce qui se passe dans le pays. L'assassinat de notre collègue Regina Martínez constitue une menace adressée à nous tous. Nous exigeons que toute la lumière soit faite sur ce crime», a-t-elle expliqué en marchant vers le ministère de l'Intérieur, où les journalistes ont interpellé les autorités quant à leur inaction.

Climat d'oppression

Plusieurs institutions internationales, comme l'UNESCO, Amnistie internationale et Human Rights Watch, ont manifesté leur inquiétude et ont réclamé que ces meurtres soient élucidés rapidement. Pour le moment, les enquêtes n'ont débouché sur aucun résultat.

«Il faut rompre le cycle d'impunité», réclame Dario Ramírez, directeur d'Article 19, une organisation de défense de la liberté d'expression. Il a ensuite souligné le courage des journalistes mexicains: «Certains disent qu'ils n'arrêteront de travailler que s'ils sont tués.»

Sur les marches du ministère de l'Intérieur, la journaliste Anabel Hernández, qui a été menacée de mort après avoir enquêté sur les liens entre les cartels et le gouvernement, s'exprime avec fougue. «Il est temps que la société mexicaine se rende compte que ce sont des attentats contre elle, contre son droit à être informée, et exige que les autorités stoppent ce massacre», affirme la jeune femme, qui ne peut plus se déplacer sans gardes du corps, symboles du climat d'oppression dans lequel s'exerce le journalisme au Mexique. «Un métier mortel», a titré dimanche la revue Proceso.