La situation du journaliste français Roméo Langlois en Colombie a pris lundi un tour inquiétant après la diffusion d'un message ambigu de la guérilla des Farc qui semble lier sa libération à l'ouverture d'un «large débat» sur la presse.

Muette jusqu'à présent, la direction centrale de la rébellion marxiste a envoyé lundi son premier communiqué depuis la disparition de M. Langlois, capturé le 28 avril lors de l'attaque d'une brigade qu'il accompagnait pour un reportage dans le sud du pays, à la lisière de la forêt amazonienne.

«Nous pensons que le minimum que l'on peut attendre pour qu'il puisse récupérer pleinement sa liberté de mouvement est l'ouverture d'un large débat national et international sur la liberté d'informer», indique le texte reçu par plusieurs médias colombiens.

La guérilla souligne qu'elle considère le journaliste comme un «prisonnier de guerre», au motif que ce dernier était vêtu d'«une tenue militaire de l'armée au milieu d'un combat».

Correspondant de la chaîne France 24, M. Langlois, 35 ans, portait au moment de l'offensive un casque et un gilet pare-balles de l'armée, qu'il a quittés avant de se rendre aux assaillants en se présentant comme civil, selon les autorités colombiennes.

Quatre militaires ont péri durant l'accrochage et le journaliste a lui-même été blessé au bras.

Plus généralement, les Farc dénoncent avec virulence la pratique du journalisme embarqué avec l'armée, estimant que le gouvernement «vise à s'assurer avec lui le concours de tous pour la guerre, y compris la presse».

«Les journalistes que les forces armées colombiennes emmènent lors de leurs opérations militaires n'exercent pas leur mission impartiale qui est d'informer sur la réalité mais celle consistant à la manipuler», affirme le communiqué.

«Il faudrait se demander quelle serait la réaction des autorités colombiennes si un journaliste, animé du souci d'informer, accompagnait des unités de la guérilla et se retrouvait capturé par l'armée après un combat», ajoute-t-il.

Fondées en 1964, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la principale guérilla du pays, comptent encore 9.200 combattants, repliés dans les régions de montagne et de forêt. En février, elles s'étaient engagées à renoncer aux enlèvements contre rançon.

Directeur de la Fondation pour la liberté de la presse (Flip), principal organisme colombien de ce type, Andres Morales a aussitôt jugé «inacceptable» la nouvelle condition posée par les Farc pour relâcher M. Langlois.

«Une chose est de poser un débat nécessaire. C'en est une autre de le lier à sa liberté», a-t-il déclaré à l'AFP.

Cette annonce des Farc constitue une surprise au lendemain de la diffusion de la vidéo d'un guérillero évoquant la possibilité d'un dénouement «rapide» pour le journaliste français.

Cette déclaration avait suscité l'espoir car le rebelle, identifié comme un membre du «Front 15», l'unité des Farc ayant revendiqué la capture de M. Langlois dans le département de Caqueta, avait précisé que la guérilla avait conclu que ce dernier était journaliste et assuré qu'il était «hors de danger».

À la suite de cette vidéo, le président colombien Juan Manuel Santos avait appelé les Farc à «le libérer le plus tôt possible», soulignant que les journalistes «n'ont jamais été prisonniers de guerre».

Le chef de l'État s'était aussi engagé à «faciliter une libération au plus tôt» dans la zone, où l'armée a suspendu les opérations à caractère offensif pour permettre au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) d'aller rechercher le journaliste.

Même l'ancienne sénatrice Piedad Cordoba, médiatrice de longue date auprès des Farc, s'était déclarée «confiante» sur le fait que la libération du journaliste serait «très rapide».