La disparition des glaciers andins menace l'approvisionnement en eau de milliers d'Équatoriens. Impuissants, ces derniers attendent la catastrophe.

«Dans 15 ans, on n'aura plus d'eau, ici.»

Manuel Castillos est soucieux. Dans son bureau décrépit de la ville de Tabacundo, en plein coeur de la cordillère des Andes équatoriennes, il regarde par la fenêtre en fronçant les sourcils. Dehors, quelque part derrière les nuages, on devine à peine le volcan Cayambe, troisième sommet du pays, dont le glacier alimente en eau les populations des communautés avoisinantes depuis des millénaires.

«Plus pour longtemps», prévient M. Castillos, président d'un organisme local de gestion de l'eau, en passant une main basanée dans ses cheveux drus. Même si lui et ses concitoyens vivent au centre du monde, à des lieues des pôles et de leurs neiges éternelles, ils seront parmi les premières victimes de la fonte des glaces. Déjà, ses effets se font sentir.

La fin des glaciers

Le Cayambe, comme la plupart des glaciers andins de moins de 6000 m, fond à une vitesse alarmante. Selon une récente étude de l'Institut de recherche pour le développement de France, les neiges éternelles qui abreuvent actuellement 30 millions de personnes dans cette chaîne de montagnes auront complètement disparu dans 10 ou 15 ans.

«La situation est extrêmement grave, dit Manuel Castillos. Nous n'avons pas de plan B. Il n'y a pas beaucoup de sources, ici. C'est trop haut et ça coûte extrêmement cher de creuser.» Dans les villes de Tabacundo et de Cayambe, à près de 3000 m d'altitude, la quasi-totalité de l'eau qu'utilisent les quelque 150 000 citoyens vient directement du volcan. L'inquiétude est palpable.

En 40 ans, le débit du canal qui transporte le précieux liquide est passé de 8 m3 à 3 m3. Durant certaines périodes de l'année, la population n'a accès qu'à une part d'eau potable pour cinq personnes.

Pendant ce temps, plus de 60% des ressources vont directement aux grandes fermes maraîchères et aux serres de roses, principale industrie de la région. Cela exacerbe les tensions entre riches et pauvres.

La pluie à la rescousse

«C'est vraiment frustrant. On se rationne et eux gaspillent simplement parce qu'ils sont riches», dit Danny Villalba, 25 ans. Étudiant en génie, il vit à quelques mètres à peine du canal qui alimente sa ville. De son terrain, on aperçoit par beau temps les neiges de moins en moins éternelles du glacier. Au loin, dans la vallée, s'étend la mer de plastique blanc formée par les serres. Elles aussi viendront à manquer d'eau.

Ici, boire coûte cher. Arroser aussi. Les citoyens disposent de compteurs d'eau depuis 65 ans et plusieurs familles, trop pauvres, récupèrent l'eau de pluie. Sur les toits des maisons de ciment qui s'étendent entre les montagnes, on aperçoit de petits réservoirs bleus ou gris fabriqués avec des barils ou des poubelles.

Les fermes utilisent la même stratégie à plus grande échelle. C'est le cas chez Bell Ross, une petite entreprise de production de roses qui ne compte qu'une trentaine d'employés. «Ça coûte beaucoup moins cher comme ça, dit la propriétaire, Mercedes Tulcanaza. Le problème, c'est qu'on dépend de dame nature.» Derrière elle, un immense réservoir rectangulaire, long de plus de 40 métres, plein de nénuphars.

Oublier le court terme

La méthode a beau être rustique, c'est pour l'instant la seule solution au manque d'eau. «Il n'y a pas de solution à court terme à la fonte des glaces», dit Manuel Castillos, découragé.

Son organisme tente bien d'inciter la population à limiter sa consommation. «Mais les gens le font déjà beaucoup.»

Le groupe plante aussi des arbres dans l'espoir de ralentir le réchauffement de la planète. Une goutte dans l'océan.

«Ce qu'on voudrait, c'est que les ressources d'eau soient dorénavant sous la tutelle d'un OSBL au lieu de l'État, comme c'est le cas en ce moment, dit-il. On aurait ainsi plus de pouvoir sur l'utilisation qu'en font les grandes entreprises.»