Le pape Benoît XVI a désavoué dimanche, lors d'une messe devant quelque 600 000 fidèles au Mexique, les solutions reposant sur «la puissance des armées», en affirmant qu'une foi chrétienne bien comprise ne permet pas que les hommes soient soumis par la violence.

Dans une homélie s'adressant aux Latino-Américains, le pape âgé de 84 ans s'est attardé sur ce culte très populaire au Mexique, celui du «Christ Roi», à un moment où la violence est quotidienne du fait du narcotrafic, avec des opérations musclées de l'armée contre les cartels et un cortège d'horreurs quotidiennes et de vengeances.

Avant de rejoindre le «parc du Bicentenaire» de l'indépendance mexicaine près de Leon, Joseph Ratzinger avait survolé en hélicoptère la statue géante proche du «Christ Roi» du mont Cubilete.

Ce Christ aux bras ouverts, perché à 2580 mètres d'altitude, avait été reconstruit après avoir été détruit pendant la «Guerra Cristera» (1926-29), un conflit qui avait vu des catholiques prendre les armes contre la Révolution mexicaine anti-cléricale.

Le «règne» du Christ «ne consiste pas dans la puissance de ses armées pour soumettre les autres par la force et la violence», a insisté Benoît XVI au moment clé de sa visite pastorale au Mexique.

Selon les autorités locales citées par le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi, 640 000 personnes ont assisté à la messe, dont 500 000 au «parc du Bicentenaire» lui-même et les autres aux alentours.

«La royauté du Christ n'est pas comme beaucoup l'avaient comprise et la comprennent», a-t-il ajouté, dans une allusion à ceux qui ont estimé que le christianisme pouvait s'imposer par la force des armes.

Deuxième figure vénérée après la Vierge de Guadalupe, le «Christ Roi» est pour l'Eglise mexicaine le symbole de la lutte pour la liberté religieuse dans un pays laïc.

Le pape, à la fin de la messe, invoquant cette Vierge, patronne de l'Amérique Latine et du Mexique, a demandé son intercession pour que «cette chère nation continue à appeler (...) au respect de la vie humaine, et à la stimulation de la fraternité, évitant la vengeance inutile et déracinant la haine».

Il a évoqué «la pauvreté, la corruption, la violence domestique, le narcotrafic, la crise des valeurs et la criminalité».

Devant les trois principaux candidats à l'élection présidentielle de juillet et une foule fervente et attentive, Benoît XVI a aussi rappelé la conférence des évêques de l'Amérique latine et des Caraïbes d'Aparecida, qu'il avait présidée au Brésil en 2007: «ils ont alors ressenti avec clairvoyance» la nécessité de «résister à la tentation d'une foi superficielle et routinière, parfois fragmentaire et incohérente», a-t-il constaté.

Le pape a demandé aux fidèles du continent le plus catholique du monde «un choix inconditionnel» pour le Christ. Il a prôné une «nouvelle évangélisation» , aussi sur ce continent, alors que le catholicisme cède du terrain aux communautés protestantes, au message plus simple et plus festif.

Des groupes de chanteurs des cultures indigènes traditionnelles venus du Mexique et aussi des pays proches ont exécuté des morceaux du répertoire latino-américain, mais la cérémonie est restée très classique, ponctuée de prières en latin.

Il doit partir lundi matin pour Cuba, dernière étape délicate de son voyage, après avoir été chaleureusement accueilli dans cette région très pieuse du centre du Mexique.

Samedi, le pape avait rencontré le président Felipe Calderon. Huit victimes des narcotrafiquants lui avaient été présentées.

Il s'était réuni avec 3000 jeunes, appelant à la «protection des enfants», dans sa seule allusion aux abus pédophiles commis au sein de l'Eglise, dans les familles et d'autres institutions.

Au même moment, des victimes d'abus sexuels de la part du Mexicain Marcial Maciel, fondateur décédé en 2008 de la congrégation des Légionnaires du Christ, accusaient Benoît XVI de n'avoir pas diligenté suffisamment rapidement une enquête de l'Eglise sur cette affaire.

Les victimes ont regretté que le pape ne les reçoive pas et présenté un livre intitulé «La volonté de ne pas savoir», qui comprend des documents montrant, selon elles, que Ratzinger connaissait les dénonciations d'abus sexuel contre Maciel.