Le président haïtien Michel Martelly s'est éloigné vendredi de sa proposition, énoncée la veille lors d'une entrevue, qu'il serait ouvert à l'idée de pardonner l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier. Il a précisé avoir simplement dit vouloir mettre fin au conflit interne qui a longtemps frappé son pays.

M. Martelly, qui s'exprimait dans le cadre d'une entrevue accordée à une station de radio dublinoise, dit n'avoir «jamais proposé de pardonner» au dictateur connu sous le nom de «Bébé Doc», qui est sous le coup d'une enquête judiciaire pour les crimes commis pendant son règne brutal de 15 ans, au cours des années 1970 et 1980. Le juge doit décider prochainement si Duvalier sera poursuivi pour corruption et crimes reliés aux droits de la personne.

Un jour plus tôt, l'Associated Press avait reçu le président Martelly en entrevue en marge du Forum économique mondial à Davos, en Suisse, et l'avait questionné à propos de l'ex-dictateur et la décision à venir. Le président avait suggéré qu'il tenait peu à un procès, disant que la réconciliation pour sa nation était plus importante que le fait de punir Duvalier.

M. Martelly avait également déclaré que toute décision concernant un possible pardon ne surviendrait qu'en vertu «d'un consensus parmi tous les leaders, tous les partis politiques».

Dans l'entrevue de vendredi avec la station irlandaise Newstalk FM, M. Martelly s'est fait demander pourquoi il pardonnerait Duvalier, et le président a dit avoir été mal compris par l'Associated Press. Il affirme maintenant que la réconciliation ne concernait pas Duvalier, ajoutant que seul le système judiciaire haïtien peut trancher.

Selon le président haïtien, des années de luttes souvent violentes entre les diverses factions de la société haïtienne ont laissé le pays en lambeaux et ce conflit doit prendre fin pour que des progrès aient lieu en Haïti.

Duvalier a posé un problème pour Haïti depuis son retour surprise en 2011 après 25 ans d'exil.

Le pays possède un système judiciaire faible, avec un historique peu glorieux en termes de traitement des crimes mêmes mineurs, et le gouvernement est préoccupé par la reconstruction à la suite du terrible séisme de janvier 2010. Une majorité d'Haïtiens sont désormais trop jeunes pour avoir vécu sous Duvalier, mais plusieurs se souviennent des prisons gouvernementales cauchemardesques et des milices spéciales violentes, connues sous le nom de Tonton Macoute, qui ont tué et torturé les opposants politiques avec impunité.

Les groupes de défense des droits de la personne ont reproché au gouvernement haïtien d'avoir semblé reporter une décision dans l'affaire Duvalier. Plusieurs Haïtiens et opposants de M. Martelly plus âgés se sont montrés alarmés par le fait que son gouvernement embauche des gens qui avaient travaillé au sein de l'administration de l'ancien dictateur.

Les avocats de Duvalier ont argué qu'il y a prescription en ce qui concerne les crimes allégués contre l'ancien politicien, et que leur client ne peut être accusé de crimes supposément commis alors qu'il était au pouvoir.