Une vague d'incendies de forêt dans le sud du Chili a viré au tragique avec la mort d'au moins sept pompiers et pris une dimension politico-ethnique, les autorités mettant sur le compte d'activistes indiens Mapuches, l'origine criminelle des feux.

Le gouvernement a annoncé le dépôt vendredi d'une plainte en vertu de la loi antiterroriste pour les incendies dont celui qui a finalement coûté la vie jeudi à sept pompiers, l'un d'entre eux, porté disparu, ayant été retrouvé mort vendredi matin, près de Carahue à 700 km de Santiago.

Le ministre de l'Intérieur Rodrigo Hinzpeter a mis en cause un groupuscule mapuche radical, la Coordination Arauco Malleco (CAM), qui avait revendiqué ces jours-ci l'incendie, le 30 décembre, d'engins forestiers et d'un hélicoptère de lutte contre le feu appartenant à une firme d'Araucanie, la région de Carahue.

«La CAM revendique l'attentat contre un hélicoptère forestier et peu après, il y a beaucoup d'incendies. Au bout du compte, les choses commencent à s'emboîter», a déclaré M. Hinzpeter sur la chaîne TVN.

Sept pompiers professionnels, contractuels d'un groupe forestier privé, ont péri dans les flammes et deux ont été blessés, selon un bilan actualisé vendredi matin des autorités.

Hector Herrera, rescapé, a raconté comment il s'est trouvé en quelques minutes prisonnier des flammes avec ses collègues, après qu'une étincelle eût rallumé un foyer derrière eux.

«Quand j'ai voulu sortir, je ne pouvais plus, je me suis retourné et il y avait du feu de tous les côtés. La seule option était de sortir la gourde, me tremper et passer par-dessus le feu», a-t-il raconté à des médias locaux.

À Carahue, l'émotion était intense, notamment parmi les autorités convaincues du caractère intentionnel du feu.

«Ça n'a pas de nom, c'est un crime», a grondé le préfet d'Araucanie Andres Molina, tremblant de rage, les yeux rougis.

Paradoxalement, l'incendie de Carahue était l'un des moins importants (1300 hectares) des 19 encore actifs jeudi soir à travers le Chili, selon le dernier bilan du Bureau national des urgences. Dix-neuf autres feux étaient maîtrisés.

Plus de 1800 pompiers et militaires luttaient à l'échelle du pays contre les feux de forêt, qui ont consumé 56 000 hectares en une dizaine de jours.

Ces feux, fréquents en été dans le sud boisé, sont aggravés par la chaleur et la sécheresse cette saison, mais des départs de feu simultanés ont soulevé des soupçons «Nous sommes à une époque d'incendies de forêt, mais ce qui s'est passé n'est pas normal», a affirmé M. Hinzpeter.

«Nous devons combattre non seulement les incendies, mais les criminels qui sont derrière les incendies», a lancé le président Sebastian Piñera.

L'invocation de la loi antiterroriste marque un raidissement: cet arsenal pénal datant de la dictature (1973-90) reste, bien qu'amendé, un outil très controversé, qui autorise des détentions préventives prolongées, des peines alourdies.

Son dernier usage était en 2011 au procès d'activistes Mapuche, dont Hector Laitlul, leader de la CAM, condamné à 14 ans de prison pour des violences en 2008. Mais la Cour l'avait relaxé de l'accusation de «terrorisme».

Les Mapuche sont la première minorité indienne (6% des 18 millions de Chiliens). Leur frange la plus dure revendique une forme d'autonomie et la restitution de terres «ancestrales» saisies par l'État au XIXe siècle, puis cédées au privé, dont des grands groupes forestiers.

Leur radicalisation depuis sept à huit ans a pris la forme de sabotages et d'occupations de terres, suivis de heurts avec la police, lors desquels trois jeunes Mapuche ont été tués. L'un d'eux le 3 janvier 2008: un anniversaire évoqué par la CAM dans sa récente revendication.