Des cadavres de membres du cartel des Zetas jonchent régulièrement les rues de Veracruz depuis la fin du mois de septembre. Cette organisation redoutable avait jusqu'alors tenu tête à la police et à l'armée, mais des paramilitaires baptisés les Matazetas (tueurs de Zetas) se sont promis de les exterminer. Les experts mexicains considèrent que les groupes paramilitaires se multiplient et prennent le contrôle de certains territoires, explique notre collaboratrice.

Trois cents personnes se sont rassemblées lundi soir devant la cathédrale de Veracruz pour réaliser des offrandes typiques du jour des Morts en mémoire des victimes de la violence. Veracruz, ville portuaire du golfe du Mexique, est un nouveau foyer sensible de la guerre entre cartels de la drogue. Plus d'une centaine de personnes sont mortes dans des règlements de comptes depuis le 20 septembre. Ce jour-là, 35 cadavres, des membres du cartel des Zetas, ont été abandonnés sur la chaussée au centre-ville.

Le massacre a été revendiqué par un groupe armé dénommé les Matazetas (tueurs de Zetas), qui se présente comme une organisation de justiciers, mais qui est en réalité liée à un cartel ennemi des Zetas. La presse et les experts ont qualifié les Matazetas de «paramilitaires». Le gouvernement mexicain a vivement réagi, niant l'existence de groupes paramilitaires dans le pays et réduisant le phénomène à des «escadrons d'assassins».

D'après Vicente Sánchez, chercheur spécialisé en matière de sécurité au Collège de la Frontière Nord, il existe un risque réel que les groupes paramilitaires se multiplient. «Il y a un aval, ne serait-ce que tacite, de la part de certaines autorités à ces groupes qui prétendent nettoyer les rues des criminels, mais qui sont en réalité incontrôlables», dit-il.

Il existe d'ailleurs un précédent célèbre: il y a deux ans, Mauricio Fernandez, le maire de San Pedro Garza, riche commune de l'agglomération de Monterrey, avait formé un «groupe de durs» qui agissait en marge de la police pour éradiquer le crime.

Finalement, il était apparu que les membres de ce groupe étaient à la solde d'un cartel de narcotrafiquants. Mais le maire avait défendu ses mercenaires. «Bien sûr qu'il s'agissait de types rudes! Pour intimider les criminels, on ne peut pas engager des nonnes», avait-il dit.

Les spécialistes affirment que plusieurs cartels, et en particulier celui des Zetas, formé par d'ex-militaires d'élite, s'appuient sur des groupes paramilitaires. «Certes, ce sont des escadrons d'assassins, mais ce sont aussi des paramilitaires dans la mesure où ils ont recours à un entraînement, une stratégie et des techniques de type militaire», analyse Samuel Gonzalez Ruiz, consultant en sécurité et ex-procureur spécial contre le crime organisé.

Pour cet expert, le paramilitarisme serait une réalité indéniable liée à la perte de contrôle de l'État sur certaines franges du territoire dominées par les organisations criminelles.

Cet affaiblissement de l'État encourage le gouvernement américain à employer de manière récurrente ces derniers mois les termes de «narco-insurrection» et de «narcoterrorisme» pour qualifier l'activité des cartels. Or, la plupart des experts mexicains réfutent l'existence d'un terrorisme visant la population civile, même s'il existe une stratégie de terreur des cartels dans certaines régions.

D'après Raul Benitez, du Centre de recherche sur l'Amérique du Nord de l'Université nationale autonome de Mexico, les responsables américains cherchent à «aggraver la menace». Ils auraient recours à une terminologie lourde dans le but de convaincre le Congrès de voter les aides économiques apportées au Mexique par Washington dans le cadre de l'Initiative Merida, le plan conjoint de lutte contre le narcotrafic.