Hugo Chavez semble être en grande forme après être rentré la semaine dernière de Cuba, où il a subi quatre séances de chimiothérapie depuis trois mois. Son absence durant l'été semble toutefois avoir avivé les luttes intestines au sein du gouvernement. L'opposition n'a pas réussi à présenter un front uni et la population est moins critique envers Chavez, parce que sa maladie l'humanise.

Les Vénézuéliens n'ont pas apprécié que leur président décide de gouverner le pays de Cuba, où il a suivi une chimiothérapie pour un cancer entre juin et septembre. Mais ils ont été touchés par l'épreuve que traverse Hugo Chavez, d'autant plus que l'opposition n'a pu profiter du vide politique pour proposer un candidat unique à la présidentielle de l'an prochain.

Tels sont les constats ambigus émergeant des sondages, selon Luis Vicente Leon, de la maison Datanalisis de Caracas. «Il y a clairement une réaction émotionnelle, dit M. Leon, en entrevue téléphonique. Les gens n'aiment pas avoir entrevu un avenir chaviste avec d'autres dirigeants, qui ne sont pas très populaires, mais en même temps, ils ont été émus par la maladie. On a vu Chavez recevant la communion des malades.»

«Je n'ai jamais autant pleuré depuis le coup d'État en 2002», a d'ailleurs déclaré M. Chavez, qui a marqué son retour au pays en permettant à des participants de ce putsch de purger leur peine chez eux en cas de maladie.

Le cancer est-il grave? «En l'absence de nouvelles officielles, on ne peut que spéculer», répond Thierry Alcindor, oncologue au Centre de santé de l'Université McGill. «On a dit que c'était une tumeur pelvienne, alors c'est tout à fait possible que ce soit un cancer du côlon. Quatre cycles de chimiothérapie, c'est un schéma normal. Le taux de survie est bon: entre 65% et 80% des patients survivent toujours cinq ans après le diagnostic. L'âge moyen des patients est celui de M. Chavez, la soixantaine. On a évoqué un abcès, mais ça n'élimine pas pour autant les chances de guérison.»

Quels successeurs?

Hugo Chavez semble en forme, mais l'absence d'un bulletin de santé officiel suscite la méfiance, selon M. Leon. «Un politicien octogénaire, José Vicente Rangel, est revenu au premier plan. Il a nié qu'il s'agissait d'un cancer et il a été contredit peu après par M. Chavez. Mais il a été vice-président récemment, récompense de son appui durant le coup d'État de 2002. Il n'est pas du tout populaire, mais comme il fait partie de l'aile conciliatrice du parti, il occupe le haut du pavé. C'est lui qui a fait l'entrevue officielle avec Chavez sur sa maladie, au début juillet.»

Dans les années 70 et 80, M. Rangel avait été candidat à la présidence du pays à trois reprises. Il a aussi été éditorialiste. En 2002, trois ans après l'élection de M. Chavez à la présidence, l'opposition de droite l'avait déposé dans un coup d'État immédiatement reconnu par les États-Unis. M. Chavez, qui avait lui-même été emprisonné en 1992 pour une tentative de coup d'État, avait réussi à reprendre le pouvoir après quelques jours.

Un autre successeur possible est Elias Jaua, vice-président actuel. Il est associé à la gauche radicale qui vise à nationaliser de grands pans de l'économie et à réglementer les prix, une stratégie ayant selon plusieurs analystes mené à des pénuries. De retour de sa deuxième séance de chimiothérapie à Cuba, M. Chavez l'avait personnellement remercié de son appui pendant son absence, dans un point de presse à l'aéroport.

En entrevue au quotidien argentin La Nacion, l'historienne Margarita Lopez Maya, de l'Université nationale d'Orient de Caracas, a avancé que M. Chavez était convaincu qu'il retrouverait la santé. Toutefois, il sait qu'il devra dorénavant déléguer davantage de tâches. Il veut donc s'assurer de l'obéissance de ses subalternes et pourrait opter pour la stratégie «diviser pour régner», selon elle. Mme Lopez Maya est une ancienne partisane de M. Chavez qui est, depuis une demi-douzaine d'années, devenue de plus en plus critique envers lui.