Dans le nord du pays, les narcotrafiquants ont sauvagement assassiné deux personnes qui avaient publié des commentaires à leur encontre sur le web. Si l'autocensure touchait déjà la presse traditionnelle, elle risque d'atteindre les espaces d'information virtuels tels que les réseaux sociaux. Pour le moment, les internautes refusent de se laisser intimider.

«Si nous nous taisons, ce sera le coup de grâce pour notre pays!» Des centaines d'internautes mexicains ont réagi en ces termes au sanglant avertissement proféré à leur encontre par les narcotrafiquants.

Mardi dernier, un groupe criminel avait en effet pendu à un pont de Nuevo Laredo, dans le nord du pays, deux corps atrocement mutilés. Sur la rambarde, les assassins ont accroché une affiche portant le texte suivant: «Voilà le sort qui sera réservé à tous ceux qui mouchardent sur l'internet».

Le message, signé par le cartel des Zetas, menace explicitement deux sites d'information alternative sur le crime organisé: le Blog del Narco et le forum citoyen Al Rojo Vivo.

Mais les internautes invitent le cyberespace à tenir tête aux criminels. «C'est une manoeuvre désespérée du crime organisé. Nous sommes plus nombreux: dénonçons-les!» commente un lecteur sur le site d'information mexicain SIPSE.

«Aujourd'hui, jour de fête nationale, sois utile à ton pays: tue un Zeta!» s'est enflammé un autre, hier. Dans les réseaux sociaux aussi, la résistance s'organise. Sur Twitter, l'utilisateur @Justiceforall9 distribue des conseils aux internautes pour protéger leur identité et éviter les attaques.

Mais sur le Blog del Narco et Al Rojo Vivo, les deux pages visées par la menace des Zetas, le double assassinat de Nuevo Laredo est passé sous silence et les commentaires des internautes ont été supprimés, même s'ils sont encore visibles par le biais des moteurs de recherche. Beaucoup de médias mexicains ont décidé de ne pas rapporter la nouvelle, afin de ne pas participer à la politique de terreur des criminels.

L'autocensure, un réflexe de survie déjà pratiqué par la presse, risque d'atteindre les réseaux sociaux et les blogues qui constituent une source d'information parallèle sur les cartels, que ce soit pour signaler des fusillades en temps réel ou dénoncer des actes criminels. «Les cartels ont acquis une capacité technologique et ils utilisent déjà les réseaux sociaux pour enquêter sur leurs victimes», estime Leobardo Hernandez, chercheur à l'Université Nationale Autonome de Mexico et spécialiste des nouvelles technologies de l'information, qui considère que ces sites «peuvent représenter un danger [pour leurs collaborateurs]».