Le coup de balai anticorruption sans précédent donné par la présidente du Brésil Dilma Rousseff a coûté son poste à un quatrième ministre en trois mois, celui du Tourisme, alors que le mouvement est soutenu par une campagne sur les réseaux sociaux contre cette pratique enracinée dans la politique locale.

«Le degré de tolérance de la présidente face aux accusations de corruption est moindre que celui de (son prédécesseur et parrain politique) Luiz Inacio Lula da Silva et d'autres présidents qui protégeaient les hommes politiques visés», a déclaré à l'AFP le secrétaire général de l'ONG «Comptes ouverts» Gil Castello Branco.

«Je prendrai des mesures contre toute action indue au sein de mon gouvernement», a prévenu la présidente à plusieurs reprises.

Le ministre du Tourisme, Pedro Novais, 81 ans, du Mouvement démocratique brésilien (PMDB-centre) principal allié du gouvernement, est devenu mercredi soir le quatrième ministre à être contraint à la démission. Il est notamment accusé d'avoir payé ses domestiques avec l'argent du parlement.

Le ministère du Tourisme fait aussi l'objet d'une enquête pour détournements de fonds publics et en août la police a arrêté trente-huit hauts fonctionnaires et industriels du secteur.

Début juin, Antonio Palocci, sorte de premier ministre de Mme Rousseff et membre du Parti des Travailleurs (PT-gauche) comme elle, avait dû démissionner après des accusations d'enrichissement illicite.

Dilma Rousseff a aussi mis à la porte du gouvernement le ministre des Transports Alfredo Nascimento (centre droite) accusé de détournements de fonds publics et le ministre de l'Agriculture Wagner Rossi (PMDB) pour malversations présumées.

L'attitude de la présidente, poussant ses ministres vers la sortie, coïncide avec un mouvement citoyen qui s'organise par le biais des réseaux sociaux, a expliqué le responsable de Comptes ouverts qui surveille les comptes publics.

«La société suit activement ce moment. Rarement les Brésiliens se sont mobilisés comme maintenant. Nous espérons que ce nettoyage dans la politique continuera», a-t-il dit.

Les réseaux sociaux ont organisé en septembre plusieurs manifestations contre la corruption et ont appelé la population à manifester massivement le 20 septembre à Rio de Janeiro.

Le coup de balai de la présidente a toutefois des limites car elle a besoin de ses partis alliés pour gouverner, a confié à l'AFP le politologue Everaldo Moraes.

«Mme Rousseff cherche la paix avec l'opinion publique, en montrant qu'elle est intolérante envers la corruption, mais en même temps elle essaie de ne pas envenimer ses relations avec ses alliés», a souligné M. Moraes.

Selon cet expert, Dilma Rousseff est ainsi contrainte, conformément à une pratique ancestrale de la politique brésilienne, de «partager les ministères entre les partis de la coalition. Ainsi, le manque de contrôle du gouvernement sur ses propres ministères est ce qui est peut-être le plus dangereux en terme de corruption».

La présidente, 63 ans, héritière politique de l'ex-président de gauche Lula, est au pouvoir depuis le 1er janvier et est à la tête d'une coalition hétéroclite de neuf partis.

Le gouvernement brésilien dispose de 60 000 postes de responsabilité, une situation qui se reproduit à une échelle encore plus grande dans les vingt-sept États fédérés et les 5000 municipalités.