L'attaque sanglante contre un casino au Mexique constitue un symptôme de l'apparition d'un terrorisme visant la population comme mode d'action criminelle et risquant d'encourager des solutions autoritaires, selon des observateurs des questions de sécurité.

Après la tuerie de Monterrey, qui a fait au moins 52 morts, le président mexicain Felipe Calderon a utilisé vendredi le terme de «terroristes» pour la première fois depuis qu'il a lancé une offensive contre les narcotrafiquants dès son arrivée au pouvoir, en décembre 2006, avec l'appui des militaires.

«Il est évident que nous n'avons pas affaire à des délinquants ordinaires, mais à de véritables terroristes qui ont franchi toutes les limites», a-t-il déclaré vendredi à propos de l'attaque de la veille à Monterrey.

Pour Javier Oliva, chercheur à l'Université autonome du Mexique (UNAM), spécialisé dans les questions de sécurité, «il s'agit bien d'un événement de "narcoterrorisme"». «Il n'y a pas de revendication idéologique, simplement l'utilisation de la technique de la violence contre la population pour appuyer un cas d'extorsion», estime-t-il.

Les victimes, pour la plupart des femmes d'un certain âge venues jouer un jeudi après-midi et brûlées vives ou asphyxiées, ne peuvent pas être classées dans la catégorie généralement invoquée des victimes d'affrontements entre groupes criminels, ou d'affrontements entre délinquants et les forces de sécurité, qui ont fait plus de 41.000 morts en quatre ans et demi.

Pour le quotidien de gauche La Jornada, «le pays semble atteindre un nouveau palier de violence et de barbarie dans lequel les actions attribuées à la délinquance organisée ont l'objectif évident de créer des états de panique et d'angoisse collective au sein de la population».

Selon le journal, ces actions «échappent à la logique traditionnelle de disputes territoriales, de vengeances et de règlements de compte au sein de la délinquance organisée, ainsi que des affrontements entre celle-ci et les éléments de la force publique déployée sur le territoire». Cette situation peut contribuer à une opération de «déstabilisation» du Mexique, selon le journal.

M. Oliva voit un danger politique dans les craintes suscitées auprès de la population: «Quand on ne sait pas ce qui va se passer ou que n'importe quoi peut se passer, apparaît alors la possibilité d'une réponse autoritaire».

Pour Eduardo Buscaglia, professeur de Relations internationales de l'Institut technologique autonome du Mexique (ITAM), le problème auquel se trouve confronté aujourd'hui le Mexique est du même type que celui qu'ont déjà connu des pays comme la Russie, la Colombie, le Pérou ou le Nigeria.

Selon cet ancien conseiller des Nations unies, le problème ne sera pas résolu tant qu'on «ne privera pas les organisations criminelles de leurs actifs patrimoniaux» et qu'on ne mettra pas «fin à leurs appuis sur le plan de la corruption politique».

«Nous voyons que ces groupes criminels commettent des actes de terrorisme et de violence organisée chaque fois plus importants par leur ampleur parce qu'ils sont en compétition pour accaparer des morceaux de l'État et de la structure économique avec laquelle ils font du blanchiment d'argent, produisent de la drogue et génèrent leurs bénéfices avec 22 types différents de délinquance organisée».

Selon lui, le fond de la question est économique parce que les organisations de narcotrafiquants «sont des entreprises» et que «ce qui explique la passivité des autorités, c'est toujours la corruption».