Deux mois après l'élection du nouveau président Michel Martelly, ex-vedette de la chanson élue sur des promesses de changement, la situation politique et les réformes sont bloquées en Haïti par un bras de fer avec les partisans de l'ancien président René Préval.

Depuis son arrivée au pouvoir, M. Martelly, ancien chanteur populaire, n'a pas réussi à former un gouvernement et le pays reste dirigé par le gouvernement démissionnaire du premier ministre Jean-Max Bellerive.

Porté au pouvoir par une large majorité des électeurs haïtiens, plus de 67% des votes exprimés, «Sweet Micky» a prêté serment le 14 mai.

Il symbolisait alors le changement dans un pays, le plus pauvre du continent américain, où plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté avec moins de 2 dollars par jour.

«Nous allons changer le système, mettre plus de 500 000 enfants à l'école et créer des emplois afin de permettre aux jeunes de réaliser le rêve de posséder une voiture», a promis pendant sa campagne le chanteur au crane rasé surnommé en créole «Tet Kalé (crane rasé)».

Mais deux mois après son investiture, le nouveau président qui a abandonné la scène pour la politique connaît ses premières épreuves dans un pays marqué par l'instabilité politique.

Il se heurte à un Parlement dominé par le parti sortant Inité (unité en créole) de l'ex-président René Préval, majoritaire dans les deux chambres.

«Nous sommes en train d'assister à un bras de fer politique, on a une situation de blocage qui, si elle durait, peut nuire à l'image du pays», analyse un diplomate étranger parlant à l'AFP sous couvert d'anonymat.

Après avoir échoué à installer l'entrepreneur Daniel-Gérard Rouzier comme premier ministre, le président Martelly doit à nouveau faire face au refus des parlementaires pour son deuxième choix: Bernard Gousse, un juriste formé en France.

Juste après la désignation le 6 juillet de Bernard Gousse, un ancien ministre de la Justice, un groupe de 16 sénateurs de l'opposition, a accusé M. Gousse de «graves violations de droits de l'homme». Les parlementaires ont demandé au président de désigner un autre Premier ministre.

«Bernard Gousse reste et demeure mon choix», a répondu Michel Martelly qui se dit néanmoins prêt à discuter avec les parlementaires.

M. Gousse, ancien ministre de la Justice (2004-2006), a un doctorat en droit à l'Université Aix-Marseille, dont il est également diplômé en relations internationales.

«J'ai fait des promesses, j'ai un rêve et une vision, beaucoup de personnes attendent un gouvernement, et je suis le premier», a déclaré le nouveau président haïtien.

Face à la situation, des organisations de la société civile haïtienne ont lancé un appel au dialogue entre les acteurs politiques. «Ils doivent se montrer à la hauteur des attentes de la population», a déclaré l'élu Rosny Desroches.

S'ils ne se prononcent pas ouvertement sur la crise politique, des diplomates du groupe des pays amis d'Haïti, comprenant les États-Unis, la France, le Canada et le Brésil, se disent «inquiets du blocage qui retarde les grandes réformes économiques et la bonne gouvernance».

«Nous cherchons à inciter les uns et les autres à trouver une ligne médiane dans l'intérêt du pays», a confié l'un d'entre eux à l'AFP.

Deux mois après sa démission, le premier ministre Jean-Max Bellerive est toujours en fonction, faute de remplaçant, et le pays semble aujourd'hui paralysé entre une administration qui éprouve visiblement des difficultés à prendre ses marques et une équipe qui n'exécute que les affaires courantes.