Le vide laissé dans son pays par le président vénézuélien Hugo Chavez, au repos à Cuba après avoir été opéré d'un abcès pelvien, montre qu'il est indispensable à son gouvernement, mais aussi à l'opposition, obnubilée par la figure du chef de l'État.

«Cela prouve le caractère personnel du régime politique, qui repose uniquement sur Chavez. Sa présence et ses déclarations mobilisent ses partisans et détracteurs, et son absence prive la politique de porte-parole marquant l'ordre du jour», estime Angel Alvarez, professeur de Sciences politiques de l'Université centrale du Venezuela (UCV).

Le président de la puissance pétrolière sud-américaine, en outre chef de file du socialisme étatiste en Amérique latine, a été opéré d'urgence le 10 juin à La Havane en pleine visite officielle, pour une accumulation de pus dans la zone inférieure de l'abdomen.

Aucun rapport médical n'a été publié sur son état de santé depuis l'opération. Ce silence a surpris les Vénézuéliens habitués aux discours fleuves et interventions médiatiques quotidiennes du président de 56 ans, omniprésent dans la vie de ses concitoyens depuis sa toute première élection en 1998.

Du côté des partisans de Chavez, la situation a montré qu'il n'y avait pas de relève pour remplacer une personnalité charismatique hors du commun.

«Chavez est indispensable en ce moment et c'est un avertissement. Ils sont convaincus qu'il reste au président beaucoup de temps en politique, mais ce temps doit être utilisé pour construire une génération de relève qui poursuive ce projet politique», estime Nicmer Evans, professeur de Théorie politique de l'UCV.

Aucune date de retour du président au pays n'a pour l'instant été évoquée officiellement. Mais il appelle son gouvernement «tous les jours» et se remet bien, selon son ministre du Pétrole, Rafael Ramirez.

Pourtant, la crise énergétique s'est aggravée, 29 détenus sont morts dans une mutinerie à l'intérieur d'une prison, et les États-Unis ont menacé le Venezuela de nouvelles sanctions pour ses liens avec l'Iran, un proche alliée du Venezuela, tout comme Cuba.

«La maladie de Chavez a pris le gouvernement par surprise. Ils sont paralysés», constate M. Alvarez.

La mutinerie de la prison Rodeo dure toujours, dix jours après une tentative d'intervention militaire. «Chavez aurait su coordonner mieux l'opération, ou il aurait utilisé son soutien populaire pour parler aux familles», a ajouté le professeur.

Des divisions commenceraient même à apparaître au sein du pouvoir. «Malgré l'image d'unité apparente, il y a un lourd débat sur la succession», a-t-il poursuivi, même si le chef de l'État a déjà annoncé qu'il briguerait un nouveau mandat à la présidentielle de 2012.

Côté opposition, l'absence de Chavez montre une fois de plus ses divisions internes, et l'absence de leader fort et unique pour la représenter.

«L'opposition souffre d'un manque de Chavez (...) elle souffre d'un syndrome d'abstinence», a dit le député pro-Chavez Earle Herrera.

Pour M. Evans, les détracteurs du gouvernement sont obsédés par la santé du président, à l'origine de nombreuses rumeurs.

«Depuis des années, l'opposition ne fait de propositions qu'en fonction de ce que dit le président. Sa façon de faire de la politique c'est d'approfondir l'antagonisme et de ne pas monter de programmes alternatifs».

Pour Rafael Alvarez, si l'opposition avait un candidat unique pour la présidentielle, «elle pourrait capitaliser en sa faveur les mauvais pas du gouvernement et l'absence de Chavez». Mais ce n'est pas le cas. A priori, il faudra attendre début 2012.