Le gouvernement péruvien a décidé samedi de suspendre un permis d'exploitation concédé à une entreprise canadienne de mines d'argent, au lendemain d'une émeute dans la région de Puno qui a fait cinq morts parmi des manifestants majoritairement autochtones opposés au projet.

Les protestataires ont été repoussés alors qu'ils tentaient d'investir un aéroport près de la ville de Juliaca, dans l'État de Puno. La région est paralysée depuis le 9 mai par un grand soulèvement populaire qui réclame la fermeture de la mine de Santa Ana et l'annulation du projet hydroélectrique de la rivière Inambari.

Le président sortant Alan Garcia avait annoncé après la victoire du gauchiste Ollanta Humala aux élections présidentielles du 5 juin qu'il renonçait au projet d'Inambari. En avril, il avait fait de même avec une mine de cuivre dans une autre province du sud après que trois manifestants eurent perdu la vie dans un affrontement avec la police.

L'industrie minière représente génère deux tiers des revenus d'exportation du Pérou et est la pierre d'assise de l'importante croissance économique qu'a connue le pays durant la dernière décennie, mais la population rurale a très peu profité de cette manne et s'est plainte à plusieurs reprises que cette activité contaminait leur eau et leurs cultures.

Au total, cinq lois ont ainsi été publiées samedi au Journal officiel et répondent pour l'essentiel aux revendications des communautés quechua et des indiens aymara de la région Puno, à la frontière avec la Bolivie.

L'une de ces lois suspend la concession minière de la compagnie canadienne Bear Creek. Un moratoire de 36 mois est également imposé pour l'examen de nouvelles demandes de concessions minières.

Par ailleurs, l'exploitation artisanale de gisements est interdite. En effet, les orpailleurs sont à l'origine de pollutions des rivières et affectent les cultures des paysans de la région.

Une vive opposition

Le Dr Percu Casaperalta, qui a dirigé l'évacuation des blessés après l'affrontement de vendredi à l'aéroport Manco Capac, a déclaré qu'environ 4000 manifestants avaient participé à l'événement. En entrevue téléphonique depuis l'hôpital Carlos Monge Medrano, il a indiqué que le nombre de morts s'élevait à quatre et celui des blessés à 30. Le nombre de morts a monté depuis à cinq.

Les forces de l'ordre de la région n'étaient pas disponibles pour commenter l'affaire, mais le ministre péruvien de l'Intérieur, Miguel Hidalgo, a affirmé que la police de la ville voisine d'Azangaro était dans une situation difficile. La radio a en effet rapporté que des contestataires en colère assiégeaient le commissariat local.

Des images diffusées à la télévision ont montré que la clôture en périphérie de l'aéroport avait été éventrée et que des pneus en train de brûler sur sa piste d'atterrissage.

Ce sont quelques heures après les violences que le sous-ministre péruvien des Mines, Fernando Gala, a annoncé que le gouvernement avait révoqué un décret permettant la compagnie Bear Creek Mining Corp., de Victoria en Colombie-Britannique, d'extraire de l'argent à Santa Ana dans la province de Puno. Un décret était nécessaire parce que la mine était située à moins de 80 km d'une frontière internationale, dans ce cas avec la Bolivie.

Le directeur de Bear Creek, Andrew Swarthout, a déclaré à l'Associated Press que l'entreprise n'avait pas été officiellement informée de la révocation du décret. Il a ajouté que toute tentative du Pérou pour annuler le projet serait illégale et équivaudrait à une expropriation.

La compagnie minière canadienne a déjà investi 96 millions $ dans la mine de Santa Ana.

- Avec l'AFP