Six ans après l'assassinat de la missionnaire américaine Dorothy Stang, «désignée pour mourir» pour avoir pris la défense des paysans sans terre en Amazonie, la violence liée aux conflits agraires continue au Brésil, encouragée par l'inertie du gouvernement et l'impunité des tueurs.

La semaine dernière, quatre agriculteurs-écologistes qui dénonçaient les déboisements clandestins ont été assassinés par balle dans les États amazoniens du Rondonia et du Para, parmi les plus violents du Brésil en matière de conflits agraires.

Comme Dorothy Stang, trois d'entre eux, recevaient des menaces de mort constantes et les avaient dénoncées auprès des autorités locales.

«Les morts annoncées continuent dans la région où les grands propriétaires terriens, commanditaires présumés d'assassinats de petits paysans, bénéficient d'une impunité totale», a déclaré mardi à l'AFP le prêtre et professeur d'université, Ricardo Rezende, spécialiste des droits de l'homme.

«Aucun gouvernement n'a rien fait depuis la fin de la dictature (1964-85). Seules quelques améliorations ont eu lieu en matière de lutte contre le travail forcé. La réforme agraire est paralysée et la concentration des terres continue», a-t-il ajouté.

Au Brésil, un géant agro-alimentaire grand comme seize fois la France, un pour cent des agriculteurs détient 45% des terres cultivables.

«L'État, au niveau fédéral et local, doit prendre des mesures à court terme : arrêter les «pistoleiros» (tueurs) et à long terme: limiter le vol des terres en Amazonie et faire la réforme agraire».

La Commission pastorale de la terre (CPT), liée à l'Église catholique, a diffusé une liste de 125 agriculteurs-écologistes menacés de mort en raison de leur lutte contre la déforestation, ce qui a conduit le gouvernement à prendre des mesures d'urgence pour les protéger.

«Le gouvernement, en collaboration avec les autorités de chaque État amazonien (...), va apporter une protection spéciale aux personnes les plus menacées», a déclaré lundi le secrétaire général du ministère de la Justice, Luis Paulo Barreto, à l'issue d'une réunion interministérielle.

«Le gouvernement prend des mesures ponctuelles pour «éteindre les incendies» (quand un meurtre survient) mais la situation ne change pas; la réforme agraire est gelée», a déploré à l'AFP Ana de Souza Pinto, porte-parole de la CPT de Xinguara (sud du Para).

Selon elle, «il n'y a aucune volonté politique de faire avancer la réforme agraire».

L'adoption la semaine dernière du nouveau code forestier à la Chambre des députés, un projet de loi polémique assouplissant la protection de l'Amazonie est pour elle un «retour en arrière lamentable».

«Cela renforce le groupe parlementaire qui soutient l'agrobusiness au détriment de l'agriculture familiale et cela va contribuer à la concentration des terres», a-t-elle estimé.

«De plus, l'impunité des tueurs est une licence pour tuer», selon elle.

Elle a souligné que «le couple d'écologistes assassiné dans l'ouest du Para mardi dernier possédait 20 hectares dont ils préservaient 80% comme la loi l'exige. Ils vivaient de la cueillette et sont morts parce qu'ils empêchaient les bûcherons clandestins de déboiser pour faire du charbon de bois pour l'industrie sidérurgique».

«Dans le sud du Para où je suis, tout a déjà été déboisé et la déforestation avance maintenant à l'ouest», a déploré Ana de Souza Pinto.