Les policiers péruviens sont restés dans leurs casernes vendredi à Puno alors que des autochtones manifestaient pour la deuxième journée consécutive contre un projet de mine d'argent d'une entreprise canadienne.

Les manifestants, essentiellement des autochtones Aïmara, bloquent depuis plus de deux semaines les routes le long de la frontière avec la Bolivie et le Pérou, réclamant que le gouvernement annule le permis de la mine Santa Ana, propriété de la compagnie canadienne Bear Creek Mining Corp.

Le mouvemment de contestation, qui compte quelque 10 000 personnes des deux côtés de la frontière, a toutefois pris une tournure violente jeudi lorsque les protestataires ont attaqué le bureau d'impôt à Puno, jetant papiers et meubles dans la rue afin d'y mettre le feu. Ils ont également brisé les vitres d'autres édifices publics et de banques, en plus de brûler plusieurs véhicules.

Vendredi, les entreprises privées et publiques de la capitale régionale étaient barricadées, tout comme les écoles, les restaurants et les marchés. Les manifestants ont mis le feu à un entrepôt des douanes, détruisant au moins 20 voitures. Les pompiers ont été incapables de maîtriser le brasier parce que les policiers n'étaient pas là pour leur prêter main-forte.

«Ils se sont retirés dans leurs casernes et s'abstiennent d'aller des les rues sur l'ordre de Lima», a révélé un agent ayant requis l'anonymat à l'Associated Press lors d'une entrevue téléphonique.

Le vice-président de l'association des camionneurs de Bolivie, Erland Melgar, a indiqué à l'Associated Press que quelque 600 camions, beaucoup transportant de la nourriture jusqu'aux ports du Pérou, attendaient du côté bolivien et environ 180 du côté péruvien.

La mine d'argent au coeur du débat appartient à Bear Creek Mining Corp., dont le siège social est situé à Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle dit avoir investi 25 millions $ dans le projet et espère commencer l'exploitation l'année prochaine.

Les contestataires craignent la contamination du lac Titicaca, ce qui nuirait à la pêche et à l'agriculture.

Le directeur de Bear Creek, Andrew Swarthout, a toutefois assuré que la mine n'aurait aucun impact sur le plus grand lac de l'Amérique du Sud, qui chevauche la frontière entre le Pérou et la Bolivie, parce qu'elle ne se trouvait pas dans le même bassin-versant que lui.

M. Swarthout a affirmé que le projet avait l'appui des communautés locales qui en tireraient des bénéfices directs en raison des 1000 emplois créés. La mine utilisera du cyanure pour séparer l'argent, une technique que le directeur a qualifiée de commune et éprouvée.

Le gouvernement péruvien étudie présentement un rapport sur l'impact environnemental de la mine de Santa Ana.

Selon Epifanio Baca, un économiste du centre d'études et de recherche péruvien DESCO, le soulèvement de Puno est le dernier d'une longue série exprimant le mécontentement de la population par rapport à un gouvernement qui continue d'octroyer des concessions minières sans prendre en considération l'opinion des autorités et des communautés locales.

Dans la province de Puno, le nombre de concessions minières a presque triplé entre 2002 et 2010 pour atteindre 1 640 000 hectares carrés, a indiqué M. Baca.

Le mois dernier, Lima avait mis un frein au projet de la mine de cuivre de Tia Maria dans la province d'Arequipa après que trois manifestants eurent été tués lors d'affrontements avec les policiers. Les paysans s'étaient opposés au projet de la Southern Peru Copper Corp. parce qu'ils craignent qu'il contamine leur eau.

Les incidents à Puno surviennent moins de deux semaines avant le second tour des élections présidentielles du Pérou qui auront lieu le 5 juin.