Sur l'avenue Panaméricaine qui relie Port-au-Prince à la banlieue de Pétion-ville, des femmes munies de balais s'échinent à nettoyer les trottoirs encombrés de détritus. À quelques jours de l'investiture du nouveau président, la capitale haïtienne se refait une beauté.

Michel Martelly, vainqueur de l'élection présidentielle, doit devenir samedi le nouveau président du pays le plus pauvre des Amériques.

Pour son investiture, des centaines de balayeurs ont été déployés dans Port-au-Prince pour une opération de ramassage d'ordures ménagères, qui passent des semaines dans les rues avant d'être brûlées, faute de service de collecte.

«Avec l'arrivée du président Martelly, nous voulons donner un nouveau visage à la capitale», dit une balayeuse qui ne souhaite pas donner son nom.

Mais la tâche des volontaires s'apparente bien souvent à un travail de Sisyphe. Souvent, ils doivent revenir sur leurs pas pour, une fois, deux fois, cent fois, débarrasser la chaussée de déchets jetés à longueur de journée par les passants.

Dans plusieurs quartiers, des clubs de jeunes ont été constitués pour repeindre des façades bardées de slogans politiques, de versets bibliques et de messages publicitaires.

Lundi soir, des groupes du secteur privé haïtien voulant rester anonymes ont lancé l'opération «Haïti Propre» visant à débarrasser la capitale de ses tonnes de déchets.

«Notre capitale est belle, il faut arrêter de la traiter comme une grosse poubelle. Nous allons assurer l'entretien à travers cette opération qui vise aussi le reste du pays», précise un entrepreneur sous couvert d'anonymat.

Mais, précise-t-il, «nous ne voulons pas que cette initiative citoyenne soit interprétée comme une prise de position politique».

À l'entrée de Pétion-ville et dans le quartier résidentiel du très populaire «président Micky», les portraits à son effigie fleurissent sur les façades peintes aux couleurs de sa fondation, en rose et blanc.

Jean-Marie Duplessy, qui dirige le Club Tet Kale («tête chauve», surnom du nouveau président) de la rue Panaméricaine, a érigé un portrait de M. Martelly au milieu de ceux de Barack Obama et de Nicolas Sarkozy.

«Nous voulons diffuser trois messages: la paix, pour dire au président Obama des Etats-Unis: aidez-nous, mais laissez Haïti vivre en paix; le progrès pour dire au président Sarkozy: n'exploitez pas Haïti, aidez-la à progresser».

Le troisième message est destiné à Michel Martelly: «Nous sommes prêts à collaborer par amour pour Haïti». Les 45 membres du club veulent apporter le soutien nécessaire au nouveau président pour réussir son projet d'éducation gratuite.

«Martelly doit tenir ses promesses sur l'éducation», reprend Marie-Rodèle, 22 ans, qui donne bénévolement des cours d'alphabétisation destinés aux plus jeunes.

«J'espère qu'il ne va pas nous décevoir. S'il fait comme les autres présidents, nous serons les premiers à exiger son départ», prévient-elle. Dans un pays marqué par l'instabilité politique, John, étudiant, souhaite que le président Martelly contribue à renforcer la sécurité.

Il reste cependant sceptique quant au changement annoncé par M. Martelly. «Seul il ne pourra rien faire, il va falloir qu'on s'y mette tous ensemble», dit-il.

Et Bénèche Saint-Fort, comptable, de renchérir: «Le président doit s'unir avec le Parlement et travailler avec ses amis et ses ennemis pour le progrès d'Haïti, mais il (Martelly) aura besoin de l'aide de la communauté internationale pour réussir».

Sur le marché public de Pétion-ville, un camion diffuse à plein volume des tubes de «Sweet Micky», comme pour rappeler que celui qui s'apprête à prendre les rênes du pouvoir est le musicien le plus populaire d'Haïti et qu'il a fait danser les Haïtiens pendant plus de 20 ans.