Le président cubain Raul Castro s'est entouré d'une équipe politique à sa main, avec une forte présence militaire, pour vaincre les résistances d'une bureaucratie qui sera sans doute le principal frein à l'avancée de ses réformes économiques, selon des analystes.

À l'issue d'un congrès historique du Parti communiste de Cuba (PCC) qui a vu Fidel Castro prendre sa retraite politique, son frère cadet Raul a été élu premier secrétaire, à la tête d'un bureau politique resserré de 15 membres avec pour mission de vaincre «la mentalité d'inertie» et d'imposer ses réformes.

À 80 ans le 3 juin, le nouveau patron du PC cubain s'est adjoint pour second secrétaire le doyen du bureau politique, le castriste pur et dur José Ramon Machado Ventura, 80 ans, désormais dauphin officiel du régime.

«Le nouveau bureau politique est taillé sur mesure par et pour Raul Castro», a estimé pour l'AFP Arturo Lopez-Levy, professeur de relations internationales de l'université de Denver.

«Il est tout de même ironique pour un congrès qui prône des réformes importantes d'élire pour les mettre en oeuvre un bureau conservateur. Jusqu'où tout cela ira-t-il? Jusqu'où Raul décidera», a jugé l'universitaire.

La «militarisation» des instances dirigeantes du parti a frappé les observateurs: six des 15 membres du bureau politique sont des généraux. Ils étaient déjà six, mais dans un bureau de 24 membres élus en 1997 (réduits à 19 à la veille du congrès pour cause de départs).

Et parmi les 115 membres du nouveau comité central figurent 21 officiers supérieurs et plusieurs militaires à la retraite. La plupart d'entre eux appartiennent à l'inamovible «génération de la Sierra Maestra», ceux qui ont combattu aux côtés des frères Castro à la fin des années 50.

Ministre de la Défense de son frère de 1959 à 2008, Raul Castro a lui-même justifé cette martiale présence dans son discours de clôture du congrès: «les forces armées ne renonceront jamais à leur rôle au service de la défense du peuple, du parti, de la révolution et du socialisme».

«Raul Castro recherche des techniciens d'expérience pour mener ses réformes, et certains sont choisis car ils ont sa confiance dans les forces armées, parce qu'il les connaît bien et qu'ils ont une réputation d'efficacité», a jugé pour l'AFP Emily Morris du Centre de recherche sur les Caraïbes et l'Amérique latine (CLARC) de Londres.

Côté civil, Marino Murillo, 50 ans, déjà en charge depuis quelques mois de la supervision de l'application des réformes au sein du gouvernement, fait une entrée notable au bureau politique du PCC.

Mais des pans entiers de l'économie ont été développés avec succès par l'armée, depuis l'explosion du bloc soviétique à la fin des années 80 qui a laissé Cuba livrée à elle-même.

Les militaires gèrent notamment un conglomérat touristique, Gaviota, qui dispose d'une compagnie aérienne, d'hôtels, restaurants, marinas, magasins et d'une agence de location de véhicules. Des dizaines de milliers de militaires sont également employés dans l'agriculture, notamment au sein de «l'armée juvénile du travail».

Gaviota, face visible de l'iceberg militaro-économique, fait partie d'un holding d'Etat, le Groupe d'administration d'entreprises des Forces armées, dont le président exécutif Luis Rodriguez, gendre de Raul Castro, a fait son entrée dans le comité central du PCC.

Des renforts bienvenus aux côtés de Raul Castro qui a longuement insisté, dans ses discours d'ouverture et de clôture du congrès, sur la mobilisation nécessaire pour mener la bataille contre «l'inertie, l'immobilisme et le dogmatisme» d'une bureaucratie paralysée par cinquante ans d'étatisme.