La lutte contre les narcotrafiquants a fait plus de 34 000 morts au Mexique depuis décembre 2006, mais cette guerre charrie aussi son lot de personnes disparues que leurs familles et des organisations de défense des droits de l'homme veulent sauver de l'oubli.

Une commission des Nations unies devait entendre mardi les informations dont disposent des ONG sur la disparition de 250 personnes dans le Nord du Mexique, zone la plus touchée par la violence.

Dans la majorité des cas, ces ONG voient la main du crime organisé, mais dans une cinquantaine d'entre eux, elles ont trouvé les indices d'une participation d'éléments des forces de sécurité.

Yolanda Moran, est persuadée que ceux qui ont enlevé son fils, Dan Jereemel Fernandez en décembre 2009, à Torreon sont des militaires.

La première piste est apparue une semaine après l'enlèvement. La police avait arrêté un soldat qui conduisait la voiture de Dan Jerremel, le père de quatre enfants, employé de la compagnie néerlandaise ING à Mexico.

«J'ai parlé avec ce militaire, mais il n'a rien voulu me dire», a raconté Yolanda à l'AFP. «Avec son témoignage, ils sont parvenus à arrêter trois autres militaires. Mais quand les quatre soldats ont été transférés dans une prison de Torreon, un commando armé y est entré et les a assassinés».

Un autre soldat, également soupçonné du crime, fut arrêté en mars 2010 et, peu après, assassiné lors d'une rixe en prison, selon Yolanda.

Dans cette affaire on recherche un ancien militaire que la justice de l'État de Coahuila soupçonne d'être le chef d'une cellule du sanguinaire cartel des Zetas, fondé dans les années 90 par des soldats d'élite.

«Ce sont des criminels, ce sont des auteurs d'enlèvements et ce sont des militaires», déclare Yolanda.

La famille de Dan Jereemel est l'une des 118 familles de disparus qui sont venues depuis 2007 demander l'aide du Centre des droits de l'homme Frère Juan de Larios, créé par le diocèse de Saltillo (État de Coahuila).

C'est dans cette ville que devait se réunir mardi le Groupe de travail de l'ONU sur les disparitions forcées ou involontaires.

Le sentiment des familles est que les autorités n'enquêtent guère et que le gouvernement mexicain n'agit pas.

«Il y a plus de 34 000 morts, mais personne ne connaît le nombre de disparus. Ils n'existent pas. Tout le monde les ignore», dit Yolanda.

L'ampleur du phénomène a notamment été révélée par la découverte de plusieurs fosses clandestines utilisées par les cartels pour cacher les cadavres de leurs victimes.

L'une d'entre elles, découverte en juin, contenait 55 corps. Et aussi par la confession il y a deux ans de Santiago Meza, qui a reconnu avoir dissous quelque trois cents corps dans de l'acide pour le compte des narcotrafiquants.

La «disparition forcée» était une méthode employée entre les années 60 et 80, lors de la «sale guerre» menée contre l'extrême-gauche. Selon un rapport officiel, elle avait fait au moins 789 victimes.

Cette méthode est réapparue au cours des quatre dernières années, en coïncidence avec la présence de 50 000 militaires dans la lutte contre les narcotrafiquants sur décision du président Calderon dès son arrivée au pouvoir.

Les ONG espèrent que le groupe de travail de l'ONU réclamera du gouvernement mexicain une relance des enquêtes et la mise en place d'une législation spécifique pour ce type de crime.

«J'espère que le groupe prendra conscience de la situation et fera pression sur le gouvernement pour qu'il nous écoute», résume Yolanda. «Qu'ils exigent qu'il nous rencontre. C'est cela que nous demandons à l'ONU».