Une nouvelle réforme dictée par le président vénézuélien Hugo Chavez renforce le rôle de la «milice civile», au point d'en faire un «bras armé» au service de sa révolution socialiste au détriment des militaires de profession, s'inquiètent des experts.

Le chef de file de la gauche radicale latino-américaine, un ancien officier parachutiste arborant volontiers l'uniforme, a usé mardi de ses pouvoirs exceptionnels votés l'an dernier pour modifier 48 articles de la loi sur les forces armées, réformées ainsi pour la quatrième fois en cinq ans.

Un des articles définit qu'il suffit, pour entrer dans la milice, de manifester «volontairement» son souhait de l'intégrer. Ses membres, «sans exercer la profession de militaire» peuvent désormais occuper des fonctions militaires et être promus officiers.

«C'est remettre les armes de façon permanente à un corps de civils qui ne font pas partie de la profession militaire (...) comme la milice dépend directement du président, c'est donner une impulsion très forte à la constitution d'une garde prétorienne» à la solde du président, a dénoncé Rocio San Miguel, responsable de l'ONG, Contrôle citoyen.

«C'est une façon de détruire le professionnalisme de nos militaires. Chavez considère que ce professionnalisme limite son pouvoir politique et son objectif est de continuer à affaiblir les forces armées pour les contrôler le plus possible», a estimé l'ex-ministre de la Défense Fernando Ochoa Antich.

À cet égard dit-il, les forces armées, composées de 117 000 personnes -on ne connaît pas le nombre de miliciens- sont en proie au «malaise», attisé par la volonté du président vénézuélien d'obtenir l'adhésion des militaires à son projet socialiste.

Selon Contrôle citoyen, environ 400 officiers ont quitté l'armée l'an dernier, certains relevés de leurs fonctions, d'autres volontairement.

La loyauté de l'armée est une préoccupation permanente pour Hugo Chavez.

Réélu à trois reprises depuis 1998, il a dirigé un coup d'État avorté en 1992 contre le président de l'époque Carlos Andres Perez, et a lui-même fait l'objet d'une tentative de putsch qui a duré 48 heures en 2002.

En 2009, à l'occasion de l'anniversaire du putsch, il a officiellement créé la milice civile, censée incarner «le peuple en armes».

Ce corps dépend directement du président, également commandant en chef des forces armées, et participe régulièrement aux cérémonies officielles.

Sa mission est d'«entraîner, préparer et organiser le peuple pour la défense intégrale» selon les textes.

Peu à peu, la milice s'est fait une place aux côtés de l'armée de l'air, l'armée de terre, la Marine et la Garde nationale.

«Cette réforme viole la Constitution et la milice se consolide comme un bras armé de la révolution», a ajouté Rocio San Miguel.

«Les forces armées au Venezuela répondent ainsi à une politique de gouvernement, et non à une politique d'État», a abondé Raul Salazar, le premier ministre de la Défense d'Hugo Chavez en 1999 qui dénonce une «politisation» de l'armée.

Aucun responsable du gouvernement ne s'est prononcé sur la réforme. Selon l'agence officielle AVN, elle vise «la plus grande efficacité politique et qualité révolutionnaire dans la construction du socialisme».

Les forces armées avaient déjà adopté depuis l'arrivée d'Hugo Chavez au pouvoir le slogan «Patria socialista o muerte! Venceremos!» (La Patrie socialiste ou la mort! Nous vaincrons!), en référence au leitmotiv du père de la révolution cubaine Fidel Castro.

Le Parlement vénézuélien a accordé des pouvoirs exceptionnels au chef de l'État jusqu'à mi-2012.