«Bon retou, Prézidan Titid». Tenant sa photo à bout de bras, des milliers de personnes ont célébré hier le retour en Haïti de l'ex-président Jean-Bertrand Aristide. Ses sept ans d'exil ont peu fait pour faire changer d'idée ses partisans, qui aiment toujours avec ferveur le «petit prêtre des bidonvilles», et ses détracteurs qui voient en lui un politicien autocratique prêt à tout pour reprendre le pouvoir.

Deux facettes d'une même vie, riche en rebondissements.

Né en 1953 à Port-Salut, une bourgade pauvre de bord de mer, Jean-Bertrand Aristide se fait remarquer pour la première fois alors qu'il vient tout juste d'être ordonné prêtre. En 1983, dans une petite église tapie au fond du marché de la Croix-des-Bossales, le jeune pasteur ose dénoncer l'oppression des plus démunis par la dictature de Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier.

Ses discours, qui séduisent les paroissiens, mais énervent le pouvoir, inquiètent les frères salésiens, qui envoient leur jeune recrue terminer ses études à l'étranger, notamment à Montréal.

À son retour, Aristide reprend vite la parole, et ce, malgré plusieurs tentatives d'assassinat. Après le coup d'État en 1988, il quitte la vie ecclésiastique et se lance en politique. C'est ainsi qu'en 1990, il devient le premier président élu démocratiquement d'Haïti.

Son premier mandat est de courte durée. En 1991, victime d'un coup d'État, il part en exil. Installé aux États-Unis, il réussit à convaincre Bill Clinton de l'aider à reprendre le pouvoir en Haïti en 1994, accompagné de 20 000 Marines.

Aristide s'enrichit

Il brigue à nouveau les suffrages en 2000, dans une élection qui voit son étoile pâlir alors que des fraudes massives sont rapportées. Le deuxième mandat d'Aristide se déroule sous le signe de la contestation. Plusieurs de ses détracteurs et anciens collaborateurs l'accusent d'autoritarisme et de violation des droits de l'homme.

L'ancien curé des pauvres s'est beaucoup enrichi et habite une grande villa avec sa femme et ses deux filles. Le soutien qu'il avait acquis à l'étranger pendant ses années d'exil se désagrège alors que ses partisans, les chimères, sèment la peur.

En 2004, après des mois d'émeutes et de violence, il quitte soudainement le pays et s'exile en Afrique du Sud avec sa famille. Une fois à Pretoria, il termine un doctorat en langues africaines, ajoutant le zoulou aux sept langues qu'il parlait déjà.

En novembre dernier, alors que se préparaient les élections présidentielles en Haïti, Jean-Bertrand Aristide et son organisation politique, Fanmi Lavalas, ont voulu se lancer dans la course, mais ont été disqualifiés, une «exclusion» à laquelle espère remédier l'ancien «prézidan», rentré en héros hier.