Luz Maria Davila était à la maison quand elle a entendu les coups de feu. Elle s'est précipitée dans la rue. Elle s'attendait au pire. Elle l'a trouvé.

La fête avait lieu à un pâté de maisons de chez elle. Des adolescents s'étaient réunis pour célébrer la victoire de l'équipe de soccer locale. Soudain, des hommes armés ont fait irruption et ont déchargé leurs mitraillettes. Quinze jeunes ont été tués.

Parmi eux, il y avait José Luis et Marcos, les deux fils de Mme Davila. Elle les a trouvés dans une mare de sang qui s'écoulait jusque dans la rue.

C'était le 30 janvier 2010. Le massacre a marqué les esprits à Juárez. Le président du Mexique, Felipe Calderon, s'est même rendu sur place pour présenter ses condoléances en conférence de presse. Ce jour-là, Mme Davila a explosé. Le petit bout de femme, qui passe ses journées à assembler des haut-parleurs dans une maquiladora de Juárez, a apostrophé le président du Mexique devant un parterre de journalistes médusés.

«C'était une impulsion, explique-t-elle. Je lui ai demandé des réponses. On a besoin de plus que des mots. Les gens continuent à mourir.»

Le président Calderon a promis de restaurer l'ordre à Juárez. Il s'est engagé à verser 270 millions de dollars pour réparer le tissu social de la ville. Intitulé Nous sommes tous Juárez, le programme prévoit la construction d'écoles, de cliniques et de centres sportifs. Jusqu'ici, ça n'a pas donné de résultat. Pire, la violence a augmenté. En 2010, pas moins de 3111 personnes ont péri dans la guerre de la drogue.

Presque un an jour pour jour après le massacre, le 23 janvier, des hommes armés ont fait irruption dans un stade et ont tiré sur des jeunes qui s'apprêtaient à disputer un match de soccer. Sept personnes ont été tuées.

Le stade avait été inauguré quatre mois plus tôt dans le cadre du programme. Cette cruelle ironie n'a pas échappé à ceux qui ont vu l'image, terrible, d'un jeune joueur étendu sur la pelouse, à deux pas de ce slogan peint sur un mur du stade: «Vivir Mejor.» Vivre mieux.