Les deux candidats à l'élection présidentielle en Haïti ont officiellement lancé leur campagne jeudi, montrant aux électeurs leur différence de ton et de style.

Mirlande Manigat, ex-première dame et professeure de droit âgée de 70 ans, s'est adressée aux journalistes de façon posée sur la pelouse d'un hôtel haut de gamme de Port-au-Prince détruit lors du tremblement de terre de 2010. Elle a discuté de ses projets pour améliorer l'éducation, contenir l'épidémie de choléra et permettre à des centaines de milliers d'Haïtiens de quitter les camps de tentes où ils vivent depuis le séisme.

Pendant ce temps, le chanteur Michel «Sweet Mickey» Martelly, autoproclamé «président de la musique kompa», a attiré des milliers de personnes à Cap-Haïtien, la deuxième plus grande ville du pays, dans une atmosphère de carnaval.

Ses partisans ont chanté et dansé en procession entre les discours politiques retransmis par haut-parleurs. Michel Martelly était accompagné par le chanteur hip-hop Wyclef Jean, une personnalité influente en Haïti, et par d'autres chanteurs populaires.

Le vainqueur du second tour de l'élection, le 20 mars, aura la responsabilité de gouverner un pays affligé par le chômage, l'absence d'institutions de base, une épidémie de choléra et une capitale en ruines qui compte encore des milliers de sans-abri du séisme. Il devra aussi négocier avec les innombrables groupes qui réclament leur part des milliards de dollars d'aide internationale promis après le tremblement de terre dévastateur.

Jeudi, Mme Manigat a déclaré aux journalistes réunis sur le terrain de l'hôtel Montana qu'elle ne pouvait être plus différente que son adversaire politique.

«Le second tour est historique, c'est une première (en Haïti), et il oppose deux individus qui ne se ressemblent pas du tout», a dit Mme Manigat avec un sourire. «Il sait chanter, mais je sais faire beaucoup d'autres choses qu'il ne sait pas faire», a-t-elle ajouté.

L'équipe de M. Martelly devait diffuser un communiqué plus tard en soirée sur sa journée de campagne à Cap-Haïtien.

À Port-au-Prince, Charte Eschras, un ingénieur civil âgé de 53 ans, s'est dit persuadé que Mme Manigat serait la meilleure personne pour diriger le pays, citant sa longue expérience du droit.

«Pour que ce pays avance, nous ne pouvons le confier à Michel Martelly. Il est un simple chanteur, il n'a pas de diplôme, pas d'expérience en affaires ou dans l'administration publique. Le pays reviendrait dix ans en arrière», a dit M. Eschras. «Manigat doit être la prochaine présidente.»

Jean Fritznel, un chômeur âgé de 30 ans qui a passé l'après-midi à regarder des enfants jouer au soccer dans le camp de tentes de Pétionville où il vit, a dit appuyer Michel Martelly avec enthousiasme. Il aime le fait que le chanteur soit un nouveau venu en politique.

«Nous avons eu des politiciens expérimentés qui ont dirigé ce pays et ils n'ont jamais rien accompli. Qu'y a-t-il de mal à ne pas avoir d'expérience en politique? C'est probablement la meilleure chose pour un président en devenir», a dit M. Fritznel. «Je suis vraiment frustré de vivre ici. Nous avons besoin de changement.»