La Suisse a bloqué mardi les avoirs de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier à la suite de l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi qui devrait permettre de les restituer à Haïti, a annoncé le ministère des Affaires étrangères.

«Cette loi ayant été acceptée par le Parlement lors de sa session d'automne 2010, elle est entrée en vigueur le 1er février 2011», indique le département des Affaires étrangères (ministère) sur son site web.

«Les fonds Duvalier ont alors été bloqués sur la base» de cette nouvelle loi, précisent les autorités helvétiques.

La loi a été surnommée «Lex Duvalier» car elle a été adoptée pour pallier un manque apparu dans la longue bataille judiciaire sur la restitution au peuple haïtien de quelque 6 millions de francs suisses (4,6 millions d'euros), déposés par la famille Duvalier sur des comptes suisses.

La loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LRAI) permet au gouvernement helvétique de rendre aux populations spoliées des fonds illicites bloqués dans la Confédération, même si l'entraide judiciaire avec l'État concerné ne peut aboutir, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent.

Après l'entrée en vigueur, «une procédure en confiscation pourra être ouverte par la Confédération devant le tribunal administratif fédéral», indique le ministère. «Une fois confisqués, les fonds pourront être restitués à Haïti dans le but d'améliorer les conditions de vie de la population de cet État».

«Les valeurs patrimoniales confisquées seront restituées par la Confédération au bénéfice de la population du pays d'origine, par le financement de programmes d'intérêt public».

Selon Enrico Monfrini, avocat en Suisse pour les autorités haïtiennes, la nouvelle loi permettra d'accélérer la restitution des fonds de «Bébé Doc», une affaire jonchée de moult rebondissements.

Le dernier en date remonte à mars quand Jean-Claude Duvalier a introduit un nouveau recours devant la justice suisse pour récupérer des millions de dollars gelés sur des comptes en Suisse depuis vingt-quatre ans sur décision du gouvernement helvétique.

Il contestait la décision de Berne de bloquer à nouveau les fonds après un jugement de la plus haute instance judiciaire helvétique, le tribunal fédéral.

Ce dernier avait annulé en février 2010 la restitution prévue à Haïti d'une partie des avoirs de M. Duvalier.

Le tribunal avait confirmé un jugement antérieur de la justice helvétique selon lequel ces avoirs avaient été obtenus de manière criminelle. Mais puisque le droit suisse prévalait dans cette affaire en raison de l'absence d'un traité d'entraide judiciaire entre Haïti et la Suisse, il avait relevé que les crimes commis étaient prescrits depuis 2001, conformément au code pénal helvétique.

Il a en conséquence conclu que Berne ne pouvait s'appuyer sur cet argument pour restituer les fonds au peuple haïtien, comme il avait prévu.

Haïti estime que plus de 100 millions de dollars ont été détournés sous le couvert d'oeuvres sociales avant la chute du dictateur, qui avait succédé en 1971 à son père François, élu président en 1957.

Après 25 ans d'exil en France, Jean-Claude Duvalier est revenu en Haïti à la mi-janvier, assurant vouloir aider à la reconstruction du pays après le séisme du 12 janvier.