L'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier doit répondre de ses actes devant la justice, a affirmé le président haïtien René Préval lors d'une visite surprise en République dominicaine voisine, au moment où Haïti est plongé dans une grave crise politique.

«La constitution (haïtienne) dit que toute personne doit répondre de ses actes devant la justice. Le gouvernement a déjà fait ce qu'il devait faire, maintenant nous attendons que la justice fasse son travail», a déclaré le président haïtien, censé quitter le pouvoir le 7 février.

Un des avocats de M. Duvalier, Me Reynold Georges, a réagi en assurant que M. Duvalier avait bien l'intention de «répondre aux questions de la justice». Mais «cela ne veut pas dire qu'il est coupable», a-t-il ajouté lors d'une conversation téléphonique avec l'AFP.

M. Duvalier, 59 ans, chassé après quinze ans de pouvoir dictatorial par un soulèvement populaire en 1986, a débarqué inopinément en Haïti le 16 janvier.

Six plaintes individuelles pour violation des droits de l'homme ont été déposées contre lui. Par ailleurs, il est poursuivi par la justice haïtienne pour corruption, détournement de fonds publics et association de malfaiteurs.

Me Georges a assuré que M. Préval était «derrière (le) complot qui vis(ait) à traumatiser» son client. «M. Préval doit aller en prison pour tous ses méfaits, pour les millions volatilisés. Et il le sait très bien».

M. Duvalier, qui s'était autoproclamé «président à vie», affirme être revenu au pays pour «aider» Haïti, mais il semble surtout vouloir récupérer ses avoirs bloqués en Suisse. «Ce que (Duvalier) aimerait faire avec les fonds suisses c'est contribuer à la reconstruction du pays», a reconnu vendredi un autre de ses avocats, Me Edwin Marger. «C'est une des raisons pour laquelle il est revenu (...). Il ne demande pas que quoi que ce soit lui soit rendu personnellement».

Selon des experts et des associations de défense des droits de l'homme, M. Duvalier, alias «Baby Doc», serait revenu en Haïti dans le cadre d'une manoeuvre qui lui permettrait de retrouver les quelque 5,7 millions de dollars déposés par sa famille sur des comptes en Suisse.

Mais, la justice haïtienne lui a interdit cette semaine de quitter le pays.

«Ce n'est pas mon rôle de dire si je suis d'accord (avec le retour de Duvalier)», a encore dit M. Préval, rappelant que la constitution «interdit l'exil et établit que tout Haïtien a le droit de revenir dans son pays».

M. Préval s'est rendu samedi avec son premier ministre Jean-Max Bellerive à Saint-Domingue, où il a rencontré son homologue dominicain Leonel Fernandez pour parler de la crise politique en Haïti.

Le tribunal électoral haïtien enregistre depuis vendredi les contestations nées du premier tour de la présidentielle du 28 novembre.

Une mission d'enquête de l'Organisation des États américains (OEA) a conclu que des fraudes avaient faussé les résultats et recommandé d'exclure du second tour le candidat du pouvoir Jude Célestin et de qualifier le chanteur Michel Martelly pour un duel avec l'ex-première dame Mirlande Manigat arrivée en tête.

Le Conseil électoral haïtien devrait annoncer les résultats définitifs du premier tour le 31 janvier.

Dimanche, une manifestation à l'appel d'une douzaine de candidats malheureux à la présidentielle demandait l'annulation pure et simple du premier tour.

«Nous voulons des élections sans fraude!», «À bas la corruption, nous sommes fatigués!», pouvait-on lire sur les pancartes brandies par une grosse centaine de manifestants défilant dans les rues de la capitale Port-au-Prince.