L'ancien dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier balaie d'un revers de main tout retour en politique.

Malgré des déclarations contraires provenant d'un de ses conseillers, Duvalier a indiqué mercredi soir qu'il n'avait pas l'intention d'intervenir dans le processus électoral en cours en Haïti.

«Je démens, de la manière la plus formelle qui soit, toutes déclarations politiques (...) qui me seraient imputées par un prétendu porte-parole, et faisant tout particulièrement allusion à des scénarios en relation avec le processus électoral en cours en Haïti», a déclaré M. Duvalier dans un communiqué portant sa signature et transmis à l'AFP par sa compagne Véronique Roy.

Les propos de l'ancien dictateur contredisent les déclarations faites mercredi par Henri-Robert Sterlin, ancien ambassadeur d'Haïti à Paris et qui faisait office de porte-parole. M. Sterlin avait expliqué que le retour dimanche soir de Bébé Doc, après 25 années d'exil en France, visait à provoquer l'organisation d'une nouvelle élection présidentielle, les résultats du premier tour du 28 novembre étant contestés.

Les raisons derrière le retour de M. Duvalier demeurent tout de même nébuleuses. Un porte-parole de l'ex-président a affirmé, mercredi soir, que l'ancien dictateur avait l'intention de quitter Haïti quand il obtiendrait un nouveau passeport, mais qu'il ne pouvait être forcé à quitter son pays contre son gré.

Yves Germain Joseph a indiqué que M. Duvalier avait prévu quitter Haïti jeudi. Il a demandé au ministère des Affaires étrangères de lui fournir un nouveau passeport, ce qui a retardé son départ, a dit M. Joseph. Celui-ci n'était pas en mesure de dire combien de temps prendrait la délivrance du passeport, mais a souligné que M. Duvalier n'était pas pressé.

Mercredi, comme c'est devenu son habitude depuis son retour d'exil, Jean-Claude Duvalier a salué la foule de son balcon de l'hôtel Karibe, avant de rentrer se terrer à l'intérieur.

«Ne nous oubliez pas, accrochez-vous», a-t-il lancé en créole.

Possible révision

La rumeur sur les ambitions électorales de Jean-Claude Duvalier a surgi au moment où le Conseil électoral provisoire (CEP) a envoyé un communiqué dans lequel il entrouvre vaguement la porte à la révision des résultats contestés de l'élection présidentielle.

Tard mardi soir, alors que tous les médias avaient les yeux tournés vers les démêlés judiciaires de Duvalier, le CEP a confirmé avoir reçu le rapport de l'Organisation des États américains, qui fait état de nombreuses irrégularités commises lors du premier tour.

Le Conseil électoral a indiqué qu'il prendrait «en considération» une révision des résultats du premier tour du 28 novembre en fonction des éventuelles contestations qu'il recevra. Les résultats préliminaires ont provoqué des violences dans le pays de la part des partisans du chanteur Michel Martelly, arrivé en troisième position et donc exclu du deuxième tour. Le candidat du pouvoir, Jude Célestin, et l'ancienne première dame d'Haïti Mirlande Manigat sont respectivement arrivés premier et deuxième. Le deuxième tour aurait dû avoir lieu dimanche dernier, mais il a été repoussé.

Plaintes

Toujours, mercredi, quatre victimes du régime de Duvalier ont porté plainte contre leur bourreau au tribunal de Port-au-Prince. Nicole Magloire s'est présentée au tribunal tôt mercredi matin aux côtés de Michèle Montas, ancienne porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et deux autres prisonniers politiques sous le régime de Duvalier. Le quatuor a porté plainte pour «séquestration arbitraire, exil, destruction de biens privés, torture physique et morale, violation des droits civils et politiques».

Mme Magloire, 72 ans, n'a pas oublié la journée du 28 novembre 1980. Ce jour-là, elle a été arrêtée de façon arbitraire et jetée en prison. Elle partageait sa cellule avec Michèle Montas et une autre femme. «On nous avait confisqué nos vêtements. On était en petite culotte dans une cellule où il y avait seulement un seau pour faire nos besoins», a-t-elle raconté à La Presse.

Cette militante des droits de l'homme avait 41 ans et une enfant d'un an et demi. Après quatre nuits en prison, elle a été menée de force à l'aéroport. «On a refusé que je parte avec ma fille. Je leur ai dit de me ramener à la prison. Je ne pouvais pas partir sans elle.» Grâce aux pressions exercées par sa famille, elle a pu partir le lendemain avec son enfant. Elles se sont réfugiées au Canada jusqu'à la chute de Duvalier fils. Aujourd'hui, le retour de son bourreau lui fait l'effet d'une gifle.

Mardi, un juge haïtien a inculpé Duvalier de corruption, de détournement de fonds publics et d'association de malfaiteurs. Jean-Claude Duvalier a régné d'une main de fer de 1971 à 1986, jusqu'à ce qu'il soit chassé du pouvoir par une révolte populaire.