Le président vénézuélien Hugo Chavez s'est offert l'équivalent d'un gros cadeau de Noël: une série de lois qui élargissent considérablement ses pouvoirs et qui lui permettent d'affaiblir ses opposants dans ce qui constitue l'un des gestes les plus audacieux de sa présidence.

En une semaine, Hugo Chavez s'est servi de l'Assemblée nationale sortante, composée d'une majorité de députés fidèles à son gouvernement, pour obtenir des pouvoirs qui lui permettent d'écraser les critiques, que ce soit sur les ondes, sur l'internet, dans les universités et dans les organisations non gouvernementales qui reçoivent des fonds de l'étranger.

Il a aussi obtenu des pouvoirs élargis qui l'autorisent à outrepasser l'Assemblée nationale et à promulguer des lois par décret pour les 18 prochains mois.

Hugo Chavez va probablement se servir de ses nouveaux pouvoirs pour renforcer sa base politique dans la perspective de la prochaine élection présidentielle, dans moins de deux ans.

Ses opposants dénoncent ses manoeuvres, qu'ils qualifient de coup d'État virtuel avant l'arrivée en poste, le 5 janvier, d'une nouvelle législature comprenant suffisamment de députés de l'opposition pour empêcher l'adoption de certaines lois majeures.

«Ce que l'Assemblée nationale sortante fait, c'est de tirer avantage de la période de Noël pour légiférer dans le dos du pays», a dit Julio Borges, un député de l'opposition nouvellement élu. «Elle approuve une série de lois qui n'ont pour seul but que de concentrer le pouvoir.»

«Nous avançons vers la dictature», a déclaré le cardinal catholique Jorge Urosa Savino vendredi à la télévision Globovision. Il a affirmé que les responsables devraient tenir compte de la «très grande responsabilité qu'ils auront devant l'histoire et devant Dieu s'ils tentent d'imposer une dictature totalitaire» au Venezuela.

Le président affirme que la «bourgeoisie parasitaire» du pays est mécontente parce qu'il travaille à démanteler un système capitaliste construit en faveur des riches, et nie s'être arrogé de nouveaux pouvoirs à des fins personnelles.

Il a ajouté avoir besoin de gouverner par décret pour aider les milliers de personnes qui ont perdu leur maison dans les inondations et les glissements de terrain des dernières semaines, et pour s'attaquer aux «problèmes structurels» qui entravent l'implantation de sa révolution socialiste bolivarienne.

Mercredi soir à la télévision nationale, il a assuré qu'il n'avait pas l'intention de limiter les libertés ou de traquer ses opposants comme l'ont déjà fait Augusto Pinochet et d'autres dictateurs de droite en Amérique latine.

Les nouvelles mesures adoptées par l'Assemblée nationale servent certains objectifs politiques d'Hugo Chavez: rallier ses partisans, maintenir l'opposition sur la défensive et détourner le débat national de certains problèmes comme la criminalité et l'inflation, qu'il n'a pas réussi à dompter.

Le président a vu sa popularité dégringoler à cause des problèmes économiques et de l'inefficacité administrative. Certains pensent qu'il tente de reprendre le rythme pour stimuler ses partisans.

«Il y a du mécontentement dans sa base politique... et ce sont des moyens de revigorer sa base, de la convaincre que le processus du changement est en cours malgré toutes les difficultés», a expliqué Steve Ellner, un professeur de sciences politiques à l'Université de l'Est.

Le site internet satirique vénézuélien «El Chiguire Bipolar» a suggéré qu'Hugo Chavez cherchait à obtenir des «super-pouvoirs» et qu'il serait désormais capable de «lire dans les pensées de ses ennemis». Une photo trafiquée montrait le président avec des faisceaux de laser rouges sortant de ses yeux.

Pour certains Vénézuéliens, la blague traduit des craintes bien réelles.

«Le contrôle dont il dispose est total», a dit Cruz Herrerra, une gardienne d'enfants âgée de 46 ans. «Cela se dirige vers ce que nous sommes tous capables de voir et de savoir: une dictature... Nous ne savons pas jusqu'à quel point nous pourrons l'accepter. Les Vénézuéliens doivent se réveiller.»

Mais Hugo Chavez demeure largement populaire au Venezuela et ses partisans semblent continuer de l'appuyer.

«Ce que le président fait, c'est d'aider les gens, de trouver des solutions», a estimé Cesar Palacio, un garde de sécurité âgé de 43 ans. «Si nous étions dans une dictature, le pays ne serait pas aussi libre qu'il l'est.»