Au sommet d'une favela du Complexo do Alemao aux maisons fraîchement repeintes de couleurs vives, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a célébré mardi la pacification de cet ancien bastion des narcotrafiquants à Rio, reconquis il y a trois semaines lors d'une opération militaire spectaculaire.

«Le Complexo do Alemao concurrence le Pain de Sucre pour la carte postale de Rio», a lancé Lula en débarquant du voyage inaugural d'un téléphérique visant à désenclaver cet ensemble de favelas.

«J'ai voyagé dans la cabine du téléphérique la fenêtre ouverte en saluant les gens dans la rue. J'ai vu combien la population était confiante», s'est félicité Lula qui a fait la moitié du parcours de plus de trois kilomètres reliant plusieurs favelas entre elles.

Le téléphérique, construit par la société française Poma, pourra transporter jusqu'à 40 000 personnes par jour, mais il n'entrera pas en service avant mars 2011.

«Je l'ai testé pour vous» a dit Lula, vêtu d'une simple chemisette blanche de style cubain en raison de la forte chaleur, demandant aux habitants «d'avoir encore un peu de patience».

En dépit de l'expulsion des trafiquants de drogue, le quartier avait été isolé par des dizaines de policiers, certains postés sur les toits des maisons. Des barrières métalliques posées tout le long de la rue menant à la station du téléphérique où se trouvait Lula empêchaient de rares habitants de s'approcher.

Mais c'était un geste symbolique de Lula, qui avait promis de se rendre sur place après l'assaut le 28 novembre de ces favelas par 2600 militaires et policiers de choc, appuyés par des blindés et des hélicoptères à l'issue d'une semaine de violences urbaines qui s'étaient soldées par 37 morts.

«Lula est un père pour nous. Ce téléphérique va faciliter notre vie», a déclaré à l'AFP Rosilene 34 ans, mère de cinq enfants de 7 à 17 ans.

Cette «femme de la paix», une organisation gouvernementale qui aide les jeunes à sortir du crime organisé, s'est toutefois dite inquiète de l'occupation de la favela par la police et l'armée.

«C'est comme un couvre-feu. A dix heures du soir il n'y a plus personne dans les rues. Les gens ont peur qu'on cambriole leur maison. On a peur aussi que les violeurs reviennent. Les soldats regardent nos filles adolescentes. Avant, avec les narcos on était tranquilles. Ils ne permettaient rien de cela», a-t-elle expliqué.

Jussara Raimundo, 51 ans, renchérit. «Avec la police, c'est une paix qui n'en est pas une. On ne peut pas rester indéfiniment dans cette situation. A 22h00 il n'y a plus personne dans la rue. On ne s'amuse plus», a-t-elle dit.

L'armée, employée pour la première fois au Brésil comme «une force de paix», à l'instar du contingent brésilien en Haïti, occupe le complexo do Alemao en attendant l'implantation d'une unité de police communautaire en 2011.

En attendant, les habitants sont sur leurs gardes: ils disent craindre «autant l'armée et la police que le retour des narcos».

Lula qui doit quitter le pouvoir le 1er janvier, avait lancé il y a près de trois ans les travaux dans ces quartiers pauvres où vivent plus de 200.000 personnes.

Le téléphérique est le projet phare d'un vaste programme d'urbanisation des favelas du Complexo do Alemao comme l'assainissement, l'élargissement des rues, le ramassage des ordures, afin de les intégrer au reste de la ville.

Le coût de ce programme est évalué à 230 millions de dollars sur un total de 1,6 milliard de dollars alloués par le gouvernement aux favelas de Rio.