Protestations, grèves de la faim, heurts avec les matons: les prisons surpeuplées du Chili grondent, les détenus tentant de profiter de l'émotion provoquée par l'incendie qui a fait 81 morts il y a dix jours pour obtenir une amélioration de leur sort.

Dans la plus grande prison du pays, le centre de détention de Santiago Sud, «environ un millier» de détenus étaient en grève de la faim vendredi, a indiqué à l'AFP une source de la Gendarmerie, le corps de police carcérale du Chili.

«Ils demandent une révision de leur peine, qui est un de leurs droits, et l'accès à certains avantages», comme les permissions sous condition ou pour bonne conduite, a ajouté cette source.

Un député communiste, Hugo Gutierrez, qui a visité vendredi la prison a indiqué qu'ils étaient initialement autour de 2500 détenus à avoir entamé la grève de la faim mardi.

Selon la chaîne CNN-Chili, un autre mouvement de jeûne serait en cours dans une prison de Concepcion, dans le sud. Elle aurait été lancée vendredi par près de 400 détenus pour protester contre les conditions de détention, selon un porte-parole joint par la télévision.

Santiago-sud, une «poudrière» selon le député Gutierrez, est la prison la plus importante et la plus engorgée du pays: plus de 6600 détenus pour une capacité deux fois moindre.

Elle est le reflet d'un système carcéral «inhumain» et «qui n'en peut plus», selon l'aveu du chef de l'État Sebastian Pinera.

Mercredi elle a été le théâtre d'un début de mutinerire et de heurts avec les surveillants. Ils ont fait 60 blessés légers parmi les gendarmes selon le ministère de la Justice. Le syndicat de la gendarmerie a évoqué plus de 100 blessés, dont plus de 80 prisonniers.

Des affrontements ont également eu lieu jeudi dans la prison de Quillota, dans la zone côtière de Valparaiso (centre), après que des prisonniers eurent commencé à incendier des effets personnels.

Selon le ministre, les heurts à Santiago-sud ont commencé lors de raids et perquisitions dans les cellules pour détecter des objets prohibés: 120 armes blanches, 16 téléphones portables et de l'alcool ont été saisis.

Selon une source de gendarmerie, décembre est toujours «particulièrement sensible» pour les détenus, dans la perspective de Noël et du Nouvel An, alors que «se renforcent justement le contrôle et les perquisitions en cellules pour éviter des situations difficiles».

Mais la tension est encore montée d'un cran cette année après l'incendie de la prison San Miguel dans la capitale, qui a fait 81 morts il y a dix jours.

La tragédie, la plus meurtrière de l'histoire carcérale du pays, avait été provoquée par une rixe entre détenus. Elle a placé un coup de projecteur sur la surpopulation carcérale.

Le député Gutierrez, qui est président de la Commission parlementaire des droits de l'Homme, s'est dit «préoccupé par une tendance à résoudre les problèmes d'entassement carcéral par la force».

Le gouvernement (droite) de Sebastian Pinera, au pouvoir depuis mars, a débloqué 460 millions de dollars (350 millions d'euros) pour les prisons, tout en rappelant l'état des établissements était une «honte» qui remontait à «plusieurs décennies».

Le ministre de la Justice Felipe Bulnes a promis la livraison de deux prisons agrandies d'ici 2013, tout en accusant le gouvernement précédent de Michelle Bachelet (centre-gauche) de n'avoir jamais tenu ses promesses de rénover ou construire une dizaine de prisons.