Des émeutes sanglantes avec des sans-abri d'origine étrangère à Buenos Aires ont provoqué un malaise en Argentine, un pays d'immigration où tout le monde a plusieurs ancêtres étrangers.

Le gouvernement a dépêché samedi la gendarmerie, après cinq jours d'affrontements dont le bilan est d'au moins trois morts et de nombreux blessés, pour protéger un millier de sans-abri occupant un parc à Villa Soldati, un quartier pauvre du sud de la capitale.

Ces sans-abri, souvent originaires de Bolivie, du Paraguay et du Pérou, pensent qu'en occupant une parcelle dans ce parc ils pourront à terme recevoir de la ville un titre de propriété.

Ils ont accueilli avec des vivats dans la soirée les gendarmes, vus comme des véritables sauveurs.

«Nous resterons le temps qu'il faudra», a dit un porte-parole de la gendarmerie, Pablo Lavenir, sous les applaudissements de la foule.

Quatre soirées de suite ces personnes livrées à elles-mêmes avaient été attaqués par des groupes armés des quartiers environnants, en l'absence de toute intervention des forces de l'ordre. Les habitants de ces quartiers craignent que leur parc ne devienne un grand bidonville.

«Ils nous ont crié: dehors les Boliviens! Retournez dans votre pays! Ils ont tué mon mari comme un chien», a raconté en pleurs Elizabeth Ovidio, veuve de Juan Quispe, un Bolivien tué par balle jeudi soir.

Les ambulances elles-mêmes n'étaient pas en mesure d'approcher du parc pour retirer les blessés, des gens armés tirant sur elles ou brisant leurs vitres à coup de pierres.

L'un de ces groupes était parvenu à extraire un blessé de l'intérieur d'une ambulance pour le passer à tabac. Le médecin Julio Gonzalez, resté à l'intérieur du véhicule, a dû être hospitalisé en état de choc.

Ce jeune de 19 ans a été dans un premier temps donné pour mort par le directeur du Service médical métropolitain d'urgence (SAME), Alberto Crescenti. Mais la police a ensuite dit qu'elle n'était pas en mesure de le confirmer.

Ces scènes de panique et de chasse à l'homme, diffusées en boucle par les télévisions, ont choqué les Argentins.

Pendant près d'un siècle, 60% de la population de Buenos Aires a été étrangère. La Constitution argentine elle-même s'adresse à «tous les citoyens du monde qui souhaitent habiter le sol argentin» et la politique d'immigration du pays demeure très généreuse.

La présidente Cristina Kirchner et le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri (opposition de droite) se sont renvoyés pendant cinq jours la responsabilité des événements.

M. Macri a accusé le gouvernement de jouer le pourrissement, s'abstenant d'envoyer les forces de l'ordre afin de lui faire porter toute la responsabilité des événements.

Le maire a lui-même été accusé de faire le jeu des xénophobes en dénonçant «une immigration laxiste qui mêle des honnêtes gens à des organisations mafieuses et des narcotrafiquants».

Des organisations de défense des immigrés ont porté plainte contre M. Macri pour «incitation à la haine raciale». L'Organisation internationale pour les migrations a déploré «des expressions xénophobes».

«Ce qui est arrivé dans ce parc n'est pas une conséquence de l'arrivée d'immigrés des pays limitrophes», a dit à l'AFP le sociologue Gabriel Puricelli. «C'est plutôt liée à des problèmes de gestion de la ville».

Seule une petite partie (18%) du budget de la ville destiné à la construction de nouveaux logements a été dépensée en 2010. Les immigrés clandestins doivent payer des loyers exorbitants pour une chambre dans un bidonville.

Dans la nuit, le parc de Villa Soldati ressemblait à un camp de réfugiés. Les sans-abri recevaient de la nourriture et semblaient enfin protégés.