Les images de cadavres empilés pourraient être celles de victimes de la «guerre des cartels», qui ensanglante actuellement le Mexique, mais elles ont cent ans, l'âge de la Révolution nationale, la première à avoir été photographiée et filmée en direct, au début du XXe siècle.

Les armées révolutionnaires ont été accompagnées par des photographes et cinéastes dont la majorité étaient politiquement engagés et qui ont «couvert» l'événement au jour le jour, comme un journal télévisé d'aujourd'hui.

Ces images ont même contribué financièrement aux campagnes révolutionnaires: Pancho Villa avait vendu le droit exclusif de filmer ses batailles à la compagnie américaine Mutual Film Corporation pour 25 000 dollars.

Cent ans plus tard, c'est aussi par la photo et le cinéma que Mexico se souvient, avec entre autres une grande exposition photo et un recueil de courts métrages.

Ce retour dans le passé tisse aussi un lien direct entre un soulèvement qui a laissé plus d'un million de morts, et les victimes de la «guerre des cartels», qui ensanglante aujourd'hui le pays: 28 000 morts en quatre ans, du jamais vu depuis... la Révolution.

«Bien des problèmes du Mexique d'aujourd'hui, comme la pauvreté et la corruption, sont les mêmes qui ont probablement poussé à cette Révolution», a affirmé à l'AFP Rodrigo Garcia, un cinéaste colombien élevé au Mexique par son père, le prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez.

Il a signé un des dix courts métrages rassemblés sous le titre de Revolucion, dix regards sur l'événement centenaire par de jeunes cinéastes, parmi lesquels l'acteur mexicain Diego Luna.

«Le cinéma a été le premier média à montrer cette Révolution. Pourquoi ne pas recommencer cent ans plus tard?», lance le producteur, Pablo Cruz.

Revolucion, qui sortira lundi sur les grands écrans, sera d'abord diffusé à la télévision samedi, le jour anniversaire de la Révolution.

«C'est important, car le film arrivera à des gens qui n'iraient pas le voir au cinéma», estime une des réalisatrices, Mariana Chenillo, 33 ans.

Comme les autres auteurs de Revolucion, elle s'écarte résolument d'une fresque du genre du Viva Zapata d'Elia Kazan, en 1952, avec Marlon Brando dans le rôle titre.

Elle montre une exploitation sociale antérieure à la Révolution, pour évoquer la situation actuelle, explique-t-elle: «depuis le début, j'ai voulu montrer qu'il existe aujourd'hui des similitudes terribles avec ce qui se passait avant la Révolution».

L'exposition «Témoignages d'une guerre, photographie de la Révolution mexicaine», proposée par l'Institut national d'anthropologie et d'Histoire (INAH), laisse de côté les grandes figures de la Révolution, les Pancho Villa ou Emiliano Zapata, pour s'intéresser à ses visages anonymes, ceux des dizaines de milliers de combattants.

Elle montre des hommes, femmes et même enfants qui ont pris les armes, et d'autres, victimes d'un conflit qui les affamait: 145 images, prises par presque autant de photographes, dont la majorité étaient politiquement engagés auprès des révolutionnaires.

«Mon intérêt primordial a été de restituer la vie quotidienne, de donner une vision de la représentation de ces moments historiques sans recourir nécessairement aux portraits des chefs», explique le conservateur américain de l'exposition, John Mraz.