L'Argentine a adopté jeudi une loi limitant l'exploitation minière en Argentine près des glaciers vitaux pour l'environnement, un texte qui pourrait affecter d'importants investissements canadiens.

Pour 35 voix pour et 33 contre, les sénateurs ont adopté le texte tel qu'il avait été voté par la Chambre des députés, interdisant toute exploitation à ciel ouvert dans les zones où se situent les glaciers et autour d'elles.

Ils ont ainsi fait échec à un autre version du texte de loi, moins exigeante, soutenue par les provinces dépendant de cette activité minière.

Un veto de la présidente argentine Cristina Kirchner à une première loi de protection des glaciers, adoptée en 2008, avait été crucial pour le lancement d'un méga-projet de la compagnie canadienne Barrick Gold à San Juan (ouest).

Ce projet de Pascua Lama, une des principales mines d'or non exploitées au monde, prévoit 3 milliards de dollars (2,2 milliards d'euros) d'investissements pour 25 ans d'exploitation.

Le député Miguel Bonasso, l'un des auteurs de la loi de protection des glaciers et un ancien allié de Kirchner, avait accusé la présidente d'avoir mis son veto «pour ne pas bloquer le projet de Barrick Gold, avec le prétexte de la défense de l'emploi».

Mme Kirchner n'avait fait que poursuivre, selon lui, la politique de l'ancien président néo-libéral Carlos Menem (1989-1999), qui avait ouvert l'exploitation de ces ressources aux compagnies étrangères sans contrôles dignes de ce nom.

Mesurant sans doute le coût politique d'un nouveau refus, le gouvernement argentin a donc décidé cette fois de laisser voter les sénateurs du parti au pouvoir «selon leur conscience».

La loi prévoit de faire un inventaire des glaciers, qui représentent 75% des réserves hydriques de l'Argentine. Barrick avait assuré qu'il ne toucherait pas aux glaciers près de la zone exploitée et prendrait en charge un système de gestion d'eau afin d'empêcher tout problème pour les usagers en aval.

Cette loi «nie absolument l'exploitation minière», a déclaré le gouverneur de San Juan, José Luis Gioja, proche du pouvoir, très critiqué par les défenseurs de l'environnement.

Il avait récemment dit qu'il se «fichait complètement de la Barrick Gold», expliquant que son gouvernement défendait l'emploi des gens de San Juan et non pas les intérêts de la compagnie canadienne.

«Les glaciers sont le grand réservoir d'eau, source des tous les bassins de l'Atlantique et du Pacifique», a dit à l'AFP l'expert Javier Rodriguez Pardo. «Si l'eau est contaminée, ce sont les champs cultivés, la faune et l'ensemble de l'écosystème qui sont touchés».

«Ceux qui défendent l'activité minière ne voulaient d'aucune loi», a noté Maria Eugenia Testa, de l'organisation de défense de l'environnement Greenpeace.

Une cinquantaine de mineurs avaient manifesté dans le soirée à Buenos Aires face au Congrès. «Nous pourrions perdre notre travail», a déclaré à l'AFP Pablo Corta, 27 ans, qui travaille à San Juan. «Il existe d'autres activités bien plus polluantes», a-t-il estimé.

L'Argentine devrait être parmi les dix premiers producteurs mondiaux d'or en 2011, selon le secrétariat aux Mines. La production argentine d'or a augmenté de 6.000% entre 2003 et 2008.

Le gigantesque gisement d'or de la compagnie Barrick Gold, près de glaciers à 5.000 m d'altitude, à cheval sur les régions de San Juan en Argentine (30%) et d'Atacama au Chili (70%), doit commencer à produire début 2013. Il détient des réserves d'environ 17,8 millions d'onces, selon la compagnie.