Tous les mardis un petit groupe se rassemble face à la cathédrale de Bogota, armé de photos que seuls certains passants remarquent: ils viennent réclamer la libération de 19 militaires et policiers, les derniers otages dits «politiques» des Farc.

Alors que la plus connue des otages de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), Ingrid Betancourt, s'apprête à publier un livre à grand tirage, un peu plus de deux ans après son sauvetage par l'armée, le 2 juillet 2008, eux disent que seule «la miséricorde divine» les accompagne.

Depuis 2003 ils sont là, place Bolivar, dans le centre historique de Bogota et crient pour qu'ils «reviennent vivants».

Il y a notamment Silvio Hernández, le père du major de la police Elkin Hernández, enlevé le 14 octobre 1998, il y a bientôt 12 ans.

Sur son t-shirt, il a fait imprimer la liste des otages.

«Je suis fini et ma femme aussi. Nous gardons (seulement) la force d'espérer qu'un jour notre fils reviendra vivant et que cela nous emplisse de bonheur», déclare-t-il à l'AFP.

«Nous ignorons si (les forces de l'ordre) ont cerné l'endroit où se trouvent les otages et s'ils s'en approchent par un travail de renseignement, mais nous constatons que les voies de la négociation sont fermées», ajoute-t-il, en regrettant que le gouvernement de Juan Manuel Santos, ex-ministre de la Défense investi à la présidence le 7 août, n'a même pas nommé «un haut commissaire pour la paix», poste qui existait sous le précédent gouvernement.

Sandra Sánchez, l'épouse du sergent de l'armée Francisco Aldemar Franco, avec qui elle a un fils âgé de huit ans, n'ose même plus, elle, parler de «libération», car depuis que son mari a été enlevé, le 21 mars 2009, elle n'a reçu «aucune preuve de vie».

«Il est infirmier. Il prodiguait les premiers soins à des militaires blessés lorsqu'on lui a tiré dessus et il a été emmené, seulement lui», témoigne-t-elle. «Je lutte pour avoir une preuve de vie. Nous ne méritons pas cela».

Les Farc, fondées en 1964, considèrent ces 19 otages comme des «prisonniers politiques», qu'elles souhaitent échanger contre quelque 500 combattants emprisonnés. Toutefois la guérilla a libéré sans contrepartie 14 otages depuis 2008, notamment grâce à la médiation d'une association d'intellectuels et politiques de gauche, «Colombianos y colombianas por la paz», favorable à un dialogue.

Asfamipaz, l'association rassemblant les proches des policiers et militaires encore détenus dans les profondeurs de la jungle colombienne, demande aussi aux autorités une négociation et rejette frontalement l'option d'un sauvetage militaire, bien que l'armée colombienne en ait déjà réussi deux, dont celui d'Ingrid Betancourt et 14 autres otages, le 2 juillet 2008.

«Nous ne voulons pas de cette option», dit Marleny Orjuela, une des porte-parole de l'association en expliquant que ce type d'opération a déjà débouché sur la mort d'otages, et en insistant sur la nécessité d'un geste «unilatéral» de la part de la guérilla.

Outre les policiers et militaires identifiés comme otages de la guérilla, chaque année de nombreux civils sont victimes d'enlèvements aux fins d'extorsion, bien que les autorités se félicitent de la diminution du taux d'enlèvements.

Claudia Llano, porte-parole de la Fondation País Libre, qui porte assistance à leurs proches, explique notamment qu'en 2010, les enlèvements de «courte durée» commis par des délinquants ordinaires ont augmenté, tandis que ceux motivés par le racket aux entreprises se maintiennent.

Selon des données de l'organisme d'État recensant ce délit, Fondelibertad, en août au moins 30 personnes ont été enlevées, dont 19 ont été libérées.

Depuis le début de l'année 181 personnes ont été enlevées.

«L'enlèvement continue à faire très peur», dit Claudia Llano. Et «les familles d'otages, lorsqu'ils ne reviennent pas, se sentent oubliées».