Le cancer avancé du premier président de gauche de l'histoire du Paraguay, Fernando Lugo, déjà affaibli politiquement, accroît l'incertitude dans ce pays parmi les plus pauvres d'Amérique du Sud.

Cette maladie est un nouveau coup dur pour «l'évêque des pauvres» à la barbe poivre et sel, dont l'élection avait suscité un immense espoir de changement il y a deux ans, après 62 ans de gouvernement du Parti colorado (conservateur).

Depuis, sa popularité a fondu «de 90 à 50%», selon Francisco Capli, de l'institut de sondage First Analisis & Estudios, en raison de la paralysie de son programme de réformes mais aussi du scandale provoqué l'an dernier quand il a reconnu être le père d'un enfant alors âgé de deux ans.

Dans la foulée, deux autres femmes ont également affirmé avoir eu des enfants avec Lugo, qui a renoncé à la soutane en 2006 pour briguer la présidence. L'une d'elles attend même le résultat d'un test ADN passé fin août par le président, âgé de 59 ans.

Boule à zéro, casquette, Lugo ne cache plus les effets de sa chimiothérapie, mais il se montre de moins en moins en public, restant parfois plusieurs jours d'affilée cloîtré dans sa résidence d'Asunción, la capitale.

«Pendant 5 à 6 jours entre les séances de chimiothérapie, le président doit prendre des précautions pour ne pas être en contact avec trop de gens dans des endroits fermés ou avec la foule afin d'éviter les infections», justifie son médecin Alfredo Boccia.

«Lugo va bien» et le pronostic pour son lymphome est «bon», ajoute-t-il.

Selon son chef de cabinet, Miguel Lopez Perito, le chef de l'État «ne va pas démissionner».

Mais des membres de l'opposition ont augmenté la pression ces derniers jours, suggérant qu'il cède le pouvoir au vice-président, Federico Franco, un homme d'un autre bord politique (Parti libéral, centre-droit) avec lequel il entretient des relations tendues.

Affaibli par la maladie, Lugo, proche du président vénézuélien Hugo Chavez, était déjà en position délicate politiquement après avoir perdu la majorité au Parlement où il ne peut pas faire passer ses projets.

S'il a instauré la gratuité dans la santé publique et limité la corruption, une partie de la population est aussi déçue par la paralysie de son programme social et la lenteur de la réforme agraire, dans un pays où 80% des terres sont aux mains de 2% des habitants, constate le sondeur Francisco Capli.

Pour Bernardino Cano Radil, professeur de sciences politiques à l'Université d'Asunción, la situation était prévisible.

«Lugo est arrivé avec la solide intention de changer certaines choses, mais si c'est un homme de gauche radicale qui a gagné, ses hommes n'ont obtenu que deux sièges au parlement sur 125: il est arrivé au pouvoir grâce à sa personnalité mais aussi parce qu'il s'était allié à un parti très important, le Parti libéral», qui lui a depuis retiré son soutien, explique-t-il.

«Après un an à essayer de forcer le système, il semblait avoir compris qu'il fallait commencer à dialoguer, et soudain on apprend que Lugo est malade: cela a été un coup très dur», ajoute-t-il, jugeant que le président est aujourd'hui «très vulnérable».