Terrifiés par le massacre de 72 des leurs près de la frontière des États-Unis, les clandestins venus d'Amérique centrale hésitent, dans leur halte de Tultitlan, en banlieue de Mexico: poursuivre leur chemin, ou remonter dans le train pour rentrer chez eux.

Dans la «Maison de l'émigrant», Jose Medina, 22 ans, et Alex Hernandez, 19 ans, tous deux du Honduras, attendent. Jose, d'être expulsé par les autorités mexicaines, à qui il va se livrer en renonçant à son rêve américain. Alex, le passage du train qui doit lui permettre de continuer.

«Mon coeur me dit que je ne peux pas continuer vers le nord», murmure Jose, en regardant les photos du massacre de la ferme de San Fernando en première page d'un journal.

«Ca fait peur, mais on a toujours peur, peur aussi de mourir de faim si on reste au pays. Qui ne risque rien ne fait jamais rien», explique Alex, qui tremble depuis trois jours, mais d'une mauvaise fièvre.

Jose avait déjà essayé une fois, fin 2009, mais avait été arrêté par les gardes-frontières américains après s'être fait enlever par des bandits dans l'État de Tamaulipas, où le massacre des 72 clandestins a été découvert mardi. «Continuer ou non, c'est la décision de chacun», souffle-t-il.

L'an dernier, il s'approchait de la frontière quand il a été «vendu par un compatriote» et enlevé par des hommes «habillés de noir et cagoulés», qui séquestraient plusieurs dizaines de clandestins dans une maison, raconte-t-il.

Aucun doute pour lui: c'étaient les «Zetas», les assassins de la ferme de San Fernando.

«Ils voulaient le numéro de téléphone de ma famille pour demander une rançon, mais ils ont compris que nous étions pauvres et ils m'ont laissé partir», poursuit-il.

Puis il a «profité de la nuit de Noël» pour traverser à la nage le fleuve-frontière, le Rio Bravo, et a réussi à gagner Brownsville, au Texas, mais pour s'y faire arrêter quelques jours plus tard et être renvoyé au Honduras.

La «Maison de l'émigrant», une institution catholique, héberge et nourrit les clandestins pendant trois jours. Ils sont parfois 200 à s'y réfugier, mais seulement une dizaine ce vendredi.

«Les émigrants sont beaucoup moins nombreux ces derniers temps, en raison des pluies dans le sud du Mexique mais aussi parce qu'ils ont peur. Hier, douze d'entre eux se sont rendus aux autorités pour se faire rapatrier, aujourd'hui six», explique la gérante, Guadalupe Calzada.

«On nous dit dans d'autres centres d'accueil que beaucoup d'entre eux rentrent dans leur pays», ajoute-t-elle.

C'est le choix de Julio Flores, 36 ans, qui a travaillé quatre ans en Californie et attend ici au bord de la voie ferrée le train qui le ramènera au Honduras.

À côté de lui, Juan Hernandez, 31 ans, hésite encore entre un train vers le nord ou un autre vers le sud et son Guatemala natal.

«C'est un voyage de fous, je préfère mourir de faim dans mon pays, encore que finalement personne ne meurt de faim. La preuve, j'ai survécu comme ça pendant 24 ans», sourit le Nicaraguayen Juan Antonio Palacios. Lui a trouvé une autre solution: il travaille depuis trois mois à l'administration de la «Maison de l'émigrant».