Au Chili, le président Sebastian Piñera fait tout ce qui est «humainement possible» pour sauver les 33 mineurs bloqués sous terre depuis 21 jours. Pas un mot, en revanche, sur les 32 détenus autochtones mapuches en grève de la faim depuis 45 jours.

«Comme maman, je suis extrêmement préoccupée, explique Gladys Huenuman, dont le fils fait partie des grévistes de la faim de la prison de Lebu, petite ville à 650 km au sud de Santiago. «Mais comme porte-parole des grévistes, je soutiens leur lutte! Ils iront jusqu'au bout s'il le faut!»

Après 45 jours de grève de la faim, les 32 autochtones mapuches en détention provisoire ont perdu en moyenne 12 kilos. «Ils souffrent de crampes, de vomissements, d'évanouissements, de pertes d'équilibre», explique Eric Millan, pour sa part porte-parole des Mapuches de la ville de Concepcion, la deuxième ville du pays.

Une situation critique dont pratiquement personne ne parle au Chili. Les grévistes ne réclament pourtant pas leur libération, mais bien une justice impartiale.

«Lamentablement, ce pays qui parle d'égalité ment, insiste Gladys, qui a vu son fils arrêté par les forces spéciales de police il y a 14 mois. Il existe une persécution politique et raciste de la justice chilienne à l'égard des Mapuches, afin de mettre derrière les barreaux les dirigeants de notre peuple.»

Réprimés par l'État

Les Mapuches sont un peuple préhispanique du sud du Chili, qui vit de la terre. Ils comptent pour environ 10% de la population chilienne, ce qui en fait la première minorité autochtone du pays. La plupart d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Une minorité a choisi de récupérer ses terres ancestrales par la force. Un mouvement violemment «réprimé» et «criminalisé» par l'État. Des mots qui réapparaissent systématiquement dans les rapports de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.

«Si les Mapuches en arrivent à cet extrême, souligne Fernando Lira, président de l'association de défense des droits de l'homme Liberar, c'est parce que toutes les autres portes se sont fermées.»

«Deux lois sont appliquées contre eux: la loi antiterroriste et la double peine. Deux lois qu'ils demandent à être révoquées», ajoute cet ancien prisonnier, torturé sous la dictature d'Augusto Pinochet.

Née sous la dictature, la loi antiterroriste empêche la défense de connaître les détails de l'instruction et l'identité des témoins de l'accusation. La détention provisoire dure maximum six mois au Chili. Avec cette loi, elle dure deux ans.

Silence gouvernemental

«L'application de cette loi, souligne Jorge Huenchullan, porte-parole des grévistes de la ville de Temuco, est disproportionnée. Nous n'avons jamais commis d'assassinats!» Trois Mapuches sont morts, en revanche, tués par des policiers, depuis le début du conflit territorial qui a commencé à la fin des années 90.

La double peine est également dénoncée par les ONG internationales de défense des droits humains.

«La plupart des Mapuches sont jugés deux fois, par la justice militaire et par la justice civile, explique Fernando Lira. Si un Mapuche est déclaré coupable par la justice militaire, il est possible d'ajouter à cette peine la peine prononcée par la justice civile.»

Les autorités chiliennes ont récemment demandé à la justice de pouvoir nourrir de force les grévistes. Une demande rejetée mardi. Elles auront le droit de les obliger à être hospitalisés, mais seulement si leur état est extrêmement grave.

Le président Sebastian Piñera est souvent critiqué par ses détracteurs pour son incontinence verbale et son omniprésence médiatique. Mais dans ce dossier, jusqu'ici, ni lui ni son gouvernement n'ont fait de déclaration.