Les «Zetas» ont cédé la place à l'armée mercredi dans les rues de San Fernando, dans le nord-est du Mexique, après la découverte de 72 cadavres, apparemment des clandestins d'Amérique centrale victimes de ce gang d'habitude moins timide dans «sa» ville.

«Il y a beaucoup de mouvement, on ne voit passer que des camions et des voitures de l'armée à toute vitesse», murmurait un habitant anonyme.

En temps «normal», les hommes du gang ne se cachent pas, et on sait dans la région qu'ils installent leurs propres barrages routiers, pour contrôler les allées et venues, et notamment celles des professionnels des médias.

Un journaliste de l'AFP l'a encore constaté fin juin, lors d'un reportage dans la région où un candidat à l'élection au poste de gouverneur de l'État de Tamaulipas venait d'être abattu par des inconnus, à six jours du scrutin.

«Je suis arrivé à San Fernando en voiture, en provenance de la capitale de l'État, Ciudad Victoria, après les obsèques du candidat, et en route pour la côte, où l'on attendait la tempête tropicale Alex, dont le passage allait faire une quinzaine de morts et au moins 40 000       sans-abri dans le nord du pays», raconte le confrère.

«J'étais à peine arrivé sur la place centrale qu'un gros 4x4 s'est arrêté, et qu'un de ses occupants a tapoté ma vitre du canon de son fusil. Il avait 22 ou 23 ans, un pistolet et des grenades dans les poches de son gilet d'aspect militaire, et m'a intimé de quitter ma voiture et de leur apporter mes papiers d'identité une rue plus loin, où leur voiture s'est garée», poursuit-il.

«Là, on ne pouvait plus les voir depuis la place, où stationnait un camion de l'armée, arrivé dans le cadre du plan de secours et d'évacuation pour les éventuels sinistrés de la tempête», souligne-t-il.

«Je montre mon passeport, ma carte de l'AFP, et il me demande avec insistance si je ne suis pas de la police. Je répète que je suis journaliste, et il tend mes papiers à son voisin en lui disant «Tiens, toi qui sais lire»»...

«On n'a rien contre les civils, mais on veut savoir qui entre dans notre ville», ont-ils expliqué ensuite en demandant au journaliste: «tu sais qui nous sommes? Nous sommes ceux de la lettre». Et ils lui ont montré alors ce qui leur servait de justificatif d'identité: «une lourde médaille, apparemment en or, représentant une carte du Mexique barrée d'un Z majuscule de couleur rouge».

«Je leur ai demandé si le candidat avait été tué par leur gang. Non, c'était notre ami, et il a été tué par nos ennemis, ceux avec lesquels nous sommes en guerre», ont-ils répondu, se souvient-il encore.

«Ils m'ont rendu mes papiers et m'ont souhaité bonne route, en me conseillant d'afficher un panneau «Presse» sur mon pare-brise», conclut-il.

Les «Zetas», dirigés par d'anciens soldats d'élite qui avaient déserté dans les années 1990, ont été employés comme hommes de main par le cartel dit «du Golfe», dont la région était le fief. Aujourd'hui, les «Zetas» et le «cartel du Golfe» se mènent une lutte sanglante pour le contrôle de l'État du Tamaulipas.