L'arrêt rendu par la cour constitutionnelle colombienne invalidant l'accord permettant à l'armée américaine d'utiliser au moins sept bases en Colombie, a rouvert le débat à ce sujet et pourrait même forcer le président colombien à renégocier son contenu.

La cour a rendu mardi un arrêt qui invalide l'accord signé le 30 octobre 2009 entre le ministre colombien des Affaires étrangères Jaime Bermudez et l'ambassadeur américain William Brownfield en estimant qu'il aurait dû prendre la forme d'un traité international ratifié par le Congrès colombien.

Concrètement, le gouvernement de Juan Manuel Santos - qui avait négocié cet accord en tant que ministre de la Défense - devra soumettre sa copie au Congrès colombien s'il veut l'appliquer.

L'arrêt n'a pas d'effets sur les opérations américaines en Colombie, qui n'avaient pas changé de nature: «Ce traité n'avait jusqu'ici pas été mis en oeuvre», a expliqué mercredi le ministre de l'Intérieur German Vargas Lleras, confirmant des informations selon lesquelles les États-Unis préféraient attendre que la cour se prononce.

Le département d'État américain a pour sa part assuré qu'il ne remettait pas en cause «l'étroite coopération» des deux pays.

L'accord prévoyait que l'armée américaine pourrait mener des opérations à partir de sept bases militaires colombiennes et déployer 800 militaires et 600 civils sous contrat dans le pays.

Il était assorti d'une clause qui a fait débat en Colombie, prévoyant une immunité pénale complète pour les militaires.

En demandant au gouvernement de le soumettre au Congrès, la cour rouvre la possibilité d'un débat sur le fond du texte, qui pourrait contraindre le gouvernement à tenter de renégocier certaines de ses clauses.

Cet arrêt ouvre «une grande occasion pour réaliser un grand débat», a réagi le président de la chambre basse Carlos Zuluaga, membre du Parti conservateur et de la coalition au pouvoir, en se félicitant même de la «controverse» qui pourrait surgir.

Une situation qui sera, selon le politologue Fernando Giraldo, complexe à gérer pour le nouveau président. «Il s'est engagé concernant cet accord. Il était ministre de la Défense» lorsqu'il a été négocié.

«Mais insister sur sa ratification pourrait créer des difficultés dans la relation avec le Venezuela», qui vient tout juste de retablir ses relations diplomatiques avec la Colombie, le 10 août, après un an de crise motivée en partie par l'annonce de l'accord jugé menaçant par Caracas, explique-t-il.

«Santos va être très prudent. Il doit rassembler sa majorité au Parlement afin d'obtenir un accord politique et en même temps s'approcher du président vénézuélien Hugo Chavez», estime-t-il.

Les opposants à l'accord, en particulier le collectif d'avocats Jose Alvear Restrepo, mouvement ayant saisi la cour pour qu'elle l'invalide, ont pour leur part annoncé qu'ils continueront à le contester sur le fond, en particulier la clause offrant l'immunité aux militaires. Selon eux, la Constitution colombienne n'autorise cette immunité que pour les diplomates.

Une fois validé par le Congrès il sera donc une nouvelle fois soumis à la Cour constitutionnelle, chargée cette fois de se prononcer sur le fond et plus seulement sur la forme, a expliqué à l'AFP Luis Guillermo Perez, avocat de ce collectif.