Moins de restrictions pour les travailleurs indépendants ou diminution des effectifs pléthoriques de l'État, Cuba veut «actualiser son modèle socialiste» pour relancer une économie exsangue, mais les premiers résultats pourraient se faire attendre encore longtemps.

Devant le Parlement réuni dimanche, le président Raul Castro a annoncé que «l'exercice du travail indépendant» serait facilité pour offrir une «alternative» aux centaines de milliers de fonctionnaires «excédentaires» devant acceptés d'être «réorientés» vers des secteurs manquant de main-d'oeuvre, notamment agricole, ou se retrouver peut-être sans emploi.

Cette cure d'amaigrissement de l'administration, dont les contours sont encore très flous, pourrait se dérouler sur cinq ans, selon les médias cubains.

Le ministre de l'Economie, Manuel Marrero, a souligné qu'il s'agissait d'une «actualisation du modèle socialiste» visant, entre autres, à désengager l'État, qui contrôle plus de 90% de l'économie, de la gestion de petits commerces pour lui permettre de se concentrer sur les «choses les plus importantes».

Il sera ainsi désormais plus facile pour les Cubains d'obtenir un permis pour travailler à leur compte - comme le font actuellement 148.000 d'entre eux, coiffeurs, chauffeurs de taxis ou restauration -, et d'embaucher des employés tout en payant des impôts.

Pour l'économiste dissident Oscar Espinosa, «il s'agit d'une mesure positive qui ouvre la porte à des changements, à la création de petites et moyennes entreprises, même s'il faut attendre de voir quand et comment cela sera mis en application».

«C'est le début d'une politique moins centralisée qui permettra davantage de décisions aux échelons inférieurs de l'État», ajoute-t-il, en faisant aussi allusion à la décision du gouvernement de créer deux nouvelles provinces.

Les petits commerces privés, comme les restaurants, devaient jusque là rester dans le giron de la famille. L'embauche de travailleurs indépendants n'était permise que pour les travaux agricoles, un secteur en déclin constant depuis la chute de l'allié soviétique en 1991.

La récolte de canne à sucre, jadis fleuron de l'économie cubaine, doit ainsi être cette année la pire depuis un siècle sur l'île communiste, selon la presse cubaine.

Noris Rodriguez, une Havanaise de 59 ans, se réjouit de la mesure qui permettra à son mari de travailler à son compte. Mais peu de Cubains vont, selon elle, accepter un travail dans le secteur agricole réputé très dur. «Les gens préfèrent vivre en ville de bric et de broc», dit-elle.

L'économie cubaine, fortement dépendante des importations, notamment de denrées alimentaires, est minée par la corruption entretenant un imposant marché noir, une bureaucratie pléthorique et un embargo américain en vigueur depuis 48 ans.

Raul Castro veut stimuler la production locale pour réduire les dépenses alors que l'État se trouve à court de devises pour payer ses créanciers en raison d'une baisse des recettes provenant du tourisme et de l'exportation des matières premières.

Mais deux importantes mesures adoptées il y a un an, l'octroi à de petits exploitants privés des terres d'État en friche et la revalorisation des salaires - en moyenne de 20 dollars par mois actuellement -, sont mises en oeuvre très lentement en raison de lourdeurs bureaucratiques.

Raul Castro, qui a pris la relève de son frère Fidel il y a quatre ans, a nié une «lutte de tendances» au sein du Parti communiste qui pourrait freiner ces changements essentiels à la sauvegarde du système très dispendieux de protection sociale cubain.

La presse cubaine a passé sous silence lundi la décision du gouvernement de construire 16 terrains de golf comprenant des villas à vendre pour de riches étrangers, une première du genre depuis la crise des années 1990.